Destination mémorisée

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Une fois de plus, tu râles en regardant par la fenêtre parce qu'une fois de plus, tu n'as pas pris le temps de regarder la météo. Habituellement, tu l'entends le matin dans la radio de ta salle de bain, mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui, tu n'avais pas pris le temps de l'allumer, ton réveil avait décidé de faire de la résistance alors ta journée avait commencée par une course infernale. Tu t'étais préparés rapidement avant de rejoindre ton vélo qui allait te conduire jusqu'à l'école. La ponctualité était une règle d'or, l'une des règles que tu aimais enseigner aux enfants malgré leur jeune âge. Alors la maitresse en retard, ce n'était pas vraiment l'exemple que tu prônais. Tu avais pris le temps d'observer la météo un peu après huit heures trente. Au moment où tu avais rempli le calendrier du temps avec tes petits élèves, vous n'aviez vu quelques nuages pour cacher le soleil de Melbourne. L'été approchait de sa fin, l'automne allait bientôt prendre place alors le temps devenait aléatoire. Et comme toutes les années, tu te faisais avoir en pensant que le soleil triompherait. Les nuages avaient tenu la journée avant de laisser tomber de douces perles d'eau. Comme souvent, tu travaillais sur un projet qui te prenait surement trop de temps et tu n'avais pas vu les heures filées après la classe. Au moment de partir, tu as cru apercevoir quelques gouttes de pluie. Rien de dramatique, sauf quand on doit marcher dessous durant une dizaine de minutes. Tu hésites un instant puis tu ouvres l'application, tu vois qu'un chauffeur n'est pas loin alors tu le commandes. Tu es bien loin de deviner que ce geste anodin va devenir perturbateur pour ta jolie petite tête qui n'a pas fini de réfléchir. Car si son prénom te semble plutôt commun, son visage ne l'est pas. Quand tu arrives au point de rendez-vous, tu constates qu'il est déjà là, en train de t'attendre alors tu accélères le pas pour rejoindre la voiture. Oubliant avec la pluie de prévenir de ton arrivée, tu montes directement. « Bonjour, je suis désolé, j'espère que je ne vous ai pas fait attendre trop longtemps » Tu supposes que non puisqu'il est toujours là à t'attendre mais tout de même, tu penses que s'excuser est le minimum que tu puisses faire.

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Tu étais le genre de fille qui préfère arriver quelques parts avec cinq minutes d'avance plutôt qu'avec une minute de retard alors quand tu avais vu la voiture garée, en train de t'attendre, tu dois bien avouer que tu avais bien plus pensé à te dépêcher qu'à jeter un coup d'oeil à l'heure. Surtout avec cette pluie qui tu le devines devait lui donner bien plus de travail qu'en temps normal. Tu n'étais tout de même pas la seule idiote de la ville qui ne l'avait pas vu venir, non ? Certains diraient que c'est le jeu, depuis plusieurs années maintenant ta voiture passe bien plus de temps dans ton garage qu'ailleurs. Tu préfères le vélo, tu trouves cela tellement plus pratique et plus écologique mais un jour comme aujourd'hui, c'est une autre affaire. Et même si tu as une bonne cadence, tu n'as pas envie de rentrer chez toi couverte de pluie dans la meilleure hypothèse ou de boue selon la voiture que tu vas croiser. En entrant dans le taxi, tu t'excuses. C'est comme un vieux réflexe mais à sa réponse, tu comprends que ton chauffeur n'est pas comme la plupart des chauffeurs qu'on peut croiser en ville. Il semble plus détendu, moins stressé et surtout moins pressé de se débarrasser de toi que la plupart de ceux que tu as pu croiser. Naturellement, tu essayes de remettre des cheveux trempés en ordre, regrettant l'achat raisonnable que tu n'avais pas fait en laissant cette veste avec capuche dans le magasin la semaine dernière. « J'ai bien peur de payer plus cher dans ce cas.. » Tu souriais tout simplement, tu avais beau détester cette pluie et les inconvénients qu'elle apportait dans ton quotidien. La ville en avait besoin. Melbourne avait eu de la chance, le centre-ville était en béton alors l'incendie qui avait ravagé votre pays ne s'était pas approché de trop près mais pour les autres c'était une autre histoire. La nature avait subi des pertes, beaucoup trop, les photos pouvaient en témoigner mais c'était encore plus difficile de les voir quand on sait qu'elles viennent de la forêt d'à côté. Que tout cela était il y a quelques centaines de kilomètres. Alors même si tu n'avais pas le don de le faire, tu dois bien avouer qu'en pensant à tout cela, tu détestais un peu moins l'eau qui tombait du ciel. Parce que la terre brûlée et le peu de choses qui avait pu y survivre avait besoin de cette eau. « Je dois avouer qu'avec les flammes qui ont dévoré notre île, elle a besoin d'eau » C'était étrange, habituellement, tu étais la cliente qui ne parlait pas. Bien trop timide pour cela et puis tu restes dans la voiture d'un inconnu alors tu préfères rester discrète mais quand il s'agissait d'écologie, parler devenait plus facile. Presque naturelle. C'était probablement ton cadet qui avait déteint sur toi avec ses années passées les mains dans la terre, à écouter ses théories parfois étranges.

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« Je l'espère aussi, notre Australie n'est pas habituée à tant de sécheresse. » Ton sourire s'était installé naturellement sur ton visage. Il était rare pour toi d'avoir l'occasion de discuter avec quelqu'un qui semblait t'écouter. C'était étrange de dire cela puisque tu parlais d'un parfait inconnu dont tu ne connaissais que l'arrière de la tête et la voiture. Tu étais bien trop timide pour tenter de jeter un coup d'oeil dans son rétroviseur centrale, tu aurais pu d'y croiser un regard. Un regard qui te mettrait mal à l'aise et qui pourrait te faire taire. Tu n'es pas de nature à être une grande bavarde mais tu es rapidement intimidé. Tu souriais tout naturellement quand il te parlait de l'écologie. A vrai dire, il y a encore quelques années, tu ne t'en préoccupais même pas. Tu faisais partie de ses gens qui ont l'innocente de croire que la terre est plus forte que tout mais ses dix dernières années, tu avais dû t'adapter. Ouvrir les yeux sur le monde qui t'entourent et ses mystères, mais surtout ses fragilités. « Pas du tout, je suis enseignante en école maternelle. Mais je suis convaincue qu'il n'est jamais trop tôt pour initier un enfant à l'importance de la planète et à la chance qu'ils ont. » Certains dirait que tu es naïve de croire autant en la capacité de tes élèves. Ce ne sont que des enfants, ils n'ont que 5 ou 6 ans mais tu es persuadé que c'est à cet âge qu'il faut leur apprendre des choses. C'est à cet âge qu'ils ont la curiosité de découvrir tout et tu veux en profiter au maximum pour leur apprendre les bons gestes. Mais aussi pour leur montrer la chance qu'ils ont, tu aimais beaucoup travailler avec des écoles moins chanceuse que la vôtre. « Je sais, c'est un peu idéaliste de croire que les enfants pourront sauver le monde mais si on ne tente rien, on risque de tout perdre. » Tu baissais un peu le regard, tu faisais partie de ses enseignantes avec une vision du monde qui va plus loin que celle de la classe qu'elle anime.

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Tu ne trouvais pas ses questions indiscrètes, bien au contraire, tu trouverais cela agréable et moins étrange que de simplement être assise sur la banquette arrière de la voiture d'un inconnu. Parce que tu étais comme ça, tu étais une demoiselle assez timide c'est vrai et tu n'avais pour habitude de prendre un taxi ou t'appeler un Uber alors voyager dans un silence de plomb, tu trouvais cela assez stressant. Et puis avoir une conversation avec quelqu'un c'était quelque chose d'enrichissant selon toi. Tu savais que chaque personne avait une vision différente du monde et sur différents sujets d'ailleurs, c'était ce qui faisait que le monde pouvait avancer. Si tout le monde était identique, rien ne pourrait évoluer et tout ne serait que de l'ennui assez rapidement. Une fois de plus, tu t'emballais dans tes convictions. Certains diraient que c'est ce qu'on appelle la passion mais avoir comme passion un monde meilleur, c'était tout de même assez étrange. Tu le savais mais tu n'en avais pas spécialement conscience quand tu lui parlais, tu laissais ton coeur et ta tête choisir les mots. Des mots sincères qui reflétaient ce que tu pensais. Tu n'étais pas une extrémiste non plus dans ce domaine mais tu aimais croire que de petits gestes pouvaient changer les choses. « Peut-être, je ne sais pas trop .. Mais quand on regarde en dehors de notre île, le monde est tellement différent, je trouve qu'on n’a pas assez l'habitude d'ouvrir les yeux. Enfin, ce n'est que mon avis. Et vu le peu de voyages que j'ai eu l'occasion de faire, je ne suis surement pas un bon juge » Un petit rire nerveux t'avait échappé. Il n'avait pas tort quand on t'entend parler tu sembles avoir assez peu d'espoir en l'espère humaine et pourtant, tu es tout le contraire. Tu veux croire que l'homme peu fait quelque chose pour changer les choses. Qu'avec un peu de volonté, on peut avoir un monde meilleur et pour cela, il te suffisait de regarder le monde quand une catastrophe arrive. Il y a d'un côté ceux qui se renferme mais la plupart du temps, les gens s'ouvrent, ils veulent aider, ils veulent bien faire. Ton appartement n'est pas loin alors la discussion ainsi que la course sont assez brève. Tu le laisses manœuvrer dans le silence, tu ne voudrais pas le déranger même si tu es persuadé qu'il est bien plus doué que toi pour cela. Le moteur se coupe et tu dois bien avouer que tu regrettes d'habiter aussi près, tu aurais aimé lui parler encore un peu plus, avoir son avis sur certaines choses mais il a dû travail et tu sais que tu n'es qu'une passagère dans sa journée. « Merci beaucoup pour la course, je vous dois combien ? »