Je suis née de l’union d’une femme gardienne d’enfant et d’un homme pompier volontaire. C’est donc dans l’amour et la rigueur que j’ai grandi les premières années de ma vie. Fille unique, je n’ai connu que la compagnie des enfants que ma mère gardait dans le cadre de son travail. Un travail qui lui permettais d’être souvent à la maison, un petit rien qui m’a permis de vivre de jolis moments en sa compagnie. Quand bien même je n’en ai que très peu de souvenirs, je sais que je n’ai pas le regret d’avoir vécu une enfance avec des parents absents.  Je ne peux qu’être certaine de tout l’amour que me portaient mes parents et de leur présence à mes côtés à chaque phase importante de mon évolution en tant qu’enfant.

Si la vie leur en avait laissé le temps, mes parents m’auraient permis d’avoir un petit frère ou une petite sœur. J’avais quatre ans quand ma mère à appris qu’elle était enceinte. Malheureusement, j’avais aussi quatre ans quand mes parents ont perdu la vie dans un accident de voiture, emportant avec eux l’embryon qu’elle avait dans son ventre. J’étais chez mes grands-parents à ce moment-là, mes parents étaient partis pour fêter l’union de la cousine de mon père. Ils ont préféré me laisser à Berkeley, entre le voyage de plusieurs heures, la cérémonie et le nombre important de personne présents, ça leur semblait plus raisonnable que je ne sois pas présente en raison de mon jeune âge. Au grand regret de notre famille, mes parents ne seront jamais rentrés après ce mariage.

La fatigue, l’alcool, une mauvaise visibilité, personne ne savait vraiment ce qui leur avait couté la vie à ce moment là. Mes quatre petites années ne me permettaient pas de comprendre grand-chose aux discours des grands, mais j’avais compris que papa et maman ne rentrerait pas à la maison. Mes grands-parents avait été doux mais honnête malgré le fait que je n’étais qu’une enfant. Je suis resté quelques temps chez mes grands-parents maternels. Mais ils étaient trop fatigués pour s’occuper d’une enfant de quatre ans sur le long terme. Ils ont essayés, je ne peux pas leur en vouloir, avec les années j’ai bien compris qu’il ne m’avait pas laissé entre les mains de purs inconnus de guetter de cœur.

J’ai été placée en famille d’accueil, je continuais à voir mes grands-parents régulièrement. La famille de mon père vivait plus loin, je les voyais beaucoup moins. Mais les années ont passées et mes grands-parents ont fini par rejoindre mes parents à tour de rôle. Me laissant avec pour seule famille ces personnes qui m’avaient accueilli dans leur foyer. Lui était à la tête de sa société et elle était rémunérée pour s’occuper des enfants qui n’avait plus de parent ou dont les parents n’étaient pas en mesure de s’occuper en attendant qu’on leur trouve d’autres familles à plus long terme ou que leur géniteur soit plus apte à les récupérer. J’ai donc vu défiler plusieurs enfants en grandissant, mais j’étais la seule à rester, en grandissant j’ai réalisé que le fait que je sois la première à avoir été placé chez eux était la raison qui me faisait rester. J’avais intégré leur famille à long terme. Pourtant, il n’a jamais été question pour eux de m’adopter. Ils n’auraient jamais du avoir d’enfant, parce qu’ils ne pouvaient pas, tout simplement. Pourtant, ça a fini par fonctionner, ils ont fini par réussir à procréer. Une nouvelle formidable pour ce couple qui n’aspirait qu’à fonder une famille.

Les choses ont fini par changer, l’arrivée de leurs enfants légitimes les poussait à s’occuper d’avantage d’eux que de nous. Encore une fois, on ne pouvait pas leur en vouloir, je suppose qu’on n’agit pas tous de la même manière face à ce genre de situation. Eux avaient choisi de privilégier leurs enfants à ceux des autres. Les choix et les valeurs sont des choses qui ne sont pas discutables. Je n’étais pas pour autant délaissé, loin de là, je sentais simplement que je n’étais pas à ma place. Je suppose que leur côté croyant y était pour quelque chose, leurs enfants étaient un peu leur petits miracles à eux pour lesquels ils avaient tant prié.

J’ai fini par atteindre la majorité, je restais néanmoins cette fille discrète, qui ne faisait pas parler d’elle. Je ne crois d’ailleurs pas avoir vécu de crise d’adolescence à ce moment là. Je ne sortais que très peu et je comptais mes amis sur les doigts d’une seule main. J’avais toujours voulu suivre les traces de mon père en devant pompier, mais mon côté studieuse me poussait à continuer dans une voie différente. J’ai donc décidé d’aider les gens différemment en suivant des études pour devenir médecin. Je m’étais donc donné les moyens d’atteindre cette objectif, en me démenant pour rester toujours en tête de classement.

Puis, j’ai rencontré mon premier petit ami. Nous sommes resté deux longues années ensemble, jusqu’à mes vingt-cinq ans. Je progressais doucement vers mon objectif de carrière, jusqu’à ce que je ne tombe enceinte. Ca n’avait rien de planifier et nous n’en avions même jamais parlé. Dans ma famille, la nouvelle n’a pas été très bien accueillie. Je n’étais pas mariée et les principes de cette famille qui m’avait accueillie étaient basés sur une certaine étroitesse d’esprit. Ils m’ont donc fait comprendre qu’ils ne voulaient rien savoir de cet enfant ou de ma personne si je le gardais. C’était difficile, mais mon petit ami avait l’air du même avis que moi nous séparer de cet enfant ne nous effleurait même pas l’esprit. Alors j’ai pensé que je pouvais me reposer sur lui. J’ai pensé que j’avais retrouvé une place, une famille, ma famille.

Mais les neuf mois de grossesse se sont écoulés. Et le père s’est littéralement évanoui dans la nature. J’ai été transporté à l’hôpital et il n’était pas là lors de l’accouchement. En fait, il n’était plus là du tout et personne ne me disait où le trouver. Certain m’ont surement menti, d’autre ne savait probablement vraiment pas où il se cachait. Toujours est-il que je ne l’ai jamais revu. Mon fils n’a donc jamais eu de père, il n’a jamais été déclaré par son géniteur et ne le sera jamais. J’ai donc décidé de mettre mes projets d’avenir entre parenthèse, abandonnant mes objectifs d’avenir pour pouvoir m’occuper de ma seule famille. J’ai finalement décidé de viser moins haut, si je ne devenais pas médecin, rien ne m’empêchait d’utiliser mes acquis pour viser d’autre poste. C’est comme cela que je me suis tourné vers le métier d’infirmière.

Aujourd’hui, mon fils à cinq ans et j’exerce comme infirmière urgentiste à l’hôpital de Berkeley. Mon parcours n’a rien eu de facile, mais je me suis prouvé à moi-même que j’étais capable d’avancer malgré la difficulté et de me construire tant bien que mal même si j’ai pu me sentir inlassablement seule. Maintenant, seule mon fils compte, je ne m’empêche pas de vivre mais je m’interdis de m’attacher. Un choix qui s’est imposé à moi après avoir été si souvent déçue par les personnes que je considérais comme des piliers.