« Xavi, por favor, venha aqui. » Le petit garçon regarde avec envie son dernier jouet qu'il doit laisser sur place. Il n'aime pas quand sa mère l'appelle alors qu'il joue, il est toujours obligé de laisser son jeu tel quel et ne se souvient pas toujours de la façon dont il l'avait laissé. Reprendre est toujours difficile. À regrets, il lui répond. « Venho, mamãe ». Il soupire une dernière fois avant de se lever et d'accourir jusqu'à sa mère. Elle va certainement lui demander de jouer avec ses cousins et cousines. Il les aime bien, mais ils ne jouent pas à la même chose, et le petit garçon regrette toujours son Action Man laissé au sol avec sa voiture de combat.

Xavi a grandi dans une famille nombreuse alors même qu'il était enfant unique. Il a toujours aimé le fait d'avoir un certain nombre d'oncles et tantes. Il a toujours aimé le fait d'avoir un nombre de cousins et de cousines qui dépassent la normale de ses copains à l'école alors qu'eux-mêmes avaient tout de mêmes de grandes fratries. Le petit garçon a toujours été heureux d'avoir la famille qu'il avait... Mais il lui a toujours manqué ce frère ou cette soeur qu'il espérait avoir, qu'il lui arrivait de demander avant que sa mère ne pouffe en lui répétant qu'elle était bien assez heureuse avec lui pour ne pas avoir un autre enfant et que son père ne lui dise froidement qu'il n'avait pas que ça à faire, qu'il fallait de l'argent et que ça ne se trouvait pas au premier coin de rue...

« Qual é o teu meior sonho, mamãe ? » Étonnée par cette question plutôt inattendue, Isabel regarde son fils. Elle est sans voix devant cette question qu'elle n'aurait jamais penser entendre de la bouche de son fils. Sans doute parce que son mari lui-même ne le lui a jamais posé. De la surprise son expression change pour une douceur infinie qui fait des frissons de chaleurs au petit garçon. Il aime sa maman et voir son visage si paisible, ça lui fait du bien. « Tu, meu filho. E que estamos felizes. » La réponse lui convient. Il se blottit contre sa maman, comme pour la protéger.

Ce jour-là, Xavi se fait la promesse de toujours faire en sorte que sa mère soit heureuse. Et il se fait la promesse à lui-même de toujours être à la hauteur de ce qu'elle espère pour lui. Sa maman, c'est sa pupille. Hors de question de la décevoir.


ENOUGH FOR NOW

« Te amo, Feli. » La jeune femme le regarde, assez surprise. Cela fait désormais deux ans qu'ils sont ensemble et c'est la première fois qu'elle l'entend le dire. Elle sait qu'il a du mal à s'ouvrir aux autres, il le lui a prouvé à maintes reprises. Mais elle ne s'attendait pas à une telle révélation sans circonstances pour. Pourtant, elle est ravie, Xavi peut le voir. Felicidade est devenue aussi importante pour lui que sa mère, c'est pour dire à quel point il l'aime. Elle lui répond. « Eu também. » Et il est heureux de l'entendre le dire.

Felicidade, c'est le premier amour de Xavi. Son grand amour. Celui qui n'est pas supposé mourir de si tôt. Elle l'empêche d'être avec les mauvaises personnes, comme dit sa mère. Parce que Xavi passe beaucoup de temps avec son meilleur ami, et lui-même sait que ce dernier n'a pas vraiment les mains propres. Mais Felicidade l'aide à s'éloigner de tout ça, du moins du mieux qu'elle le peut. Ils n'ont peut-être que dix-sept ans, mais Xavi est certain que c'est avec elle qu'il passera sa vie. Il en est certain, il en a besoin. Elle est la torpeur qui calme la tempête qui fait rage en lui...

« Je n'y crois pas, Xa'. Tu l'as fait lors que tu savais que j'étais contre, que je faisais mon possible pour... tu l'as choisi lui ? Alors c'est fini, oublie moi. » Son coeur bat à une vitesse incroyable quand il se rend compte qu'il n'y a peut-être pas de quoi faire demi-tour dans cette impasse. Felicidade est en train de lui faire comprendre qu'elle ne veut plus entendre parler de lui, mais il n'est pas capable d'y penser convenablement : il ne veut pas la perdre. Pourtant, à l'entendre, c'est déjà fait. « Feli, s'il te plaît, comprends-moi... » Mais elle le coupe d'un geste « Je ne veux pas savoir. Toi et moi, c'est fini. » Et elle le laisse planter là, pendant que la tempête fait rage à nouveau en lui.

Pendant des semaines, Xavi a ruminé, encore et encore. Il sait très bien qu'il l'a perdue et qu'il lui faudra sans doute plus que de simples excuses pour qu'elle daigne un jour répondre à ses appels. Tout ça parce qu'il a suivi Pedro, son meilleur ami, alors qu'il dealait. Xavi n'y a pas touché à ce truc, bien sûr que non. Mais c'était la goutte d'eau pour la jeune femme qui ne supportait déjà pas le savoir fréquenter des gens qu'elle considérait comme de la vermine. Seulement, Xavi n'est pas capable de dire non à son ami, il n'est pas capable de faire en sorte qu'il ne soit plus son ami. Et Pedro lui a juré ne plus jamais rien faire de répréhensible. Comment ne pas le croire ?



« Vou sentir muito a tua falta, Xavi. » Le jeune adulte regarde sa mère. Il lui sourit et la prend dans ses bras. Du coin de l'oeil, il voit le regard protecteur de son père, suivi d'un hochement de tête. Il n'est pas très expressif, mais quand il le veut, il sait se faire comprendre, le paternel. « Vai ficar bem, filho. » Et, pour la première fois depuis des années, il lui ouvre ses bras, comme une invitation. Invitation que son fils ne se fait pas prier pour saisir. « Não te preocupe com nada. »

Dans un dernier soupir, Xavi regarde ses parents avec beaucoup d'affection. Il a conscience que tout ça sonne comme de longs adieux. Pourtant, il a juste décidé de partir avec Pedro en Australie pour voyager un peu. Pour se décider à prendre le large. Presque deux ans après sa rupture, il a besoin de se vider la tête. Voir son ex qu'il aime tous les jours, ça lui complique la vie. Alors, il profite de l'obtention de son diplôme pour voyager. Ses parents ne sont pas riches, mais ils ont les moyens de le faire voyager, alors il en profite. Direction l'aventure.


THE MAN WHO CAN'T BE MOVED

« Tu as bien compris, Xav' ? » Il acquiesce en silence. Bien sûr qu'il a compris, il n'est pas bête. Il sait dans quoi il s'embarque, il sait qu'il n'a aucune envie de s'embarquer, mais il sait surtout qu'il n'est pas capable de refuser et que Pedro le tient de la sorte. Ainsi, si ça tourne mal, ce sera un peu sa faute. « Si ça tourne mal, mon pote, ce sera ta faute, je te promets que tu ne l'oublieras pas. » Il hausse les épaules. Les menaces de Pedro, il les connaît. Il sait très bien ce que ça implique. Alors il préfère ne pas le contrarier pour le moment. Puis il ira sans doute au poste de police pour le jeter après. On ne menace pas sa famille impunément...

Le braquage du siècle ? En tout cas, pas l'idée du siècle ! Deux ans après avoir posé le pied sur le territoire australien, les deux amis ont commencé à s'éloigner. Pedro ayant repris ses activités illégales, le pacte avec Xavi était brisé. Pourtant, Pedro a réussi à reprendre le contact avec Xavi : prétendant être ruiné mais ne pas vouloir lui prendre l'argent de ses parents, il lui demandait son aide. Sans d'abord lui expliquer, voilà qu'il avait réussi à le convaincre... jusqu'à ce qu'il comprenne qu'il s'agissait d'un braquage. Si Xavi a dès le début eu envie de s'enfuir de cette idée, disparaître loin des radars de son ami, il faut dire qu'il n'a pas vraiment eu le choix au bout d'un moment, Pedro ayant toujours ses contacts au Brésil, capables de descendre ses parents, ses oncles, tantes et cousins pour le simple plaisir d'obéir au grand chef. Alors il avait dit oui. À ses risques et périls.

Le coup de feu. Tout le monde l'a entendu. Après avoir fait un bond, le coeur de Xavi c'est d'abord arrêté avant de battre la chamade. Il les a vu, les gens dans la rue, sursauter et regarder autour d'eux. Il sait que ça a dérapé. Ça dérape toujours avec Pedro. Il aurait dû s'en douter. Il est dans une voiture, à attendre que les autres débarquent... et puis il ne réfléchit pas : il s'enfuit avant que les autres n'aient le temps d'arriver. Il arrive presque hors du périmètre qu'ils avaient dessiné pour s'enfuir quand. « Tu ne comptais pas partir sans me dire au revoir, hein Xav' ? » Il déglutit avec difficulté en se tournant pour faire face à Pedro. « Non, bien sûr t'es un pote loyal. C'est pour ça que je vais te faire la fleur de ne pas toucher à ta famille. Mais toi, tu n'auras pas cette chance. » Xavi se contente d'être silencieux. Il sait que s'il parle, il risque de se faire descendre par ce fou furieux. Au lieu de quoi, Pedro lui balance son flingue, lui qui avait des gants et son réflexe le fait l'attraper... alors qu'il n'as pas le moindre gant sur ses mains. « Allez, bon vent, le lâche ! »

C'est ainsi que Xavi s'est fait attraper par la police. Il essayait bêtement de se débarrasser de l'arme pleine de ses empreintes quand un flic en patrouille l'a arrêté et mené au poste. Alors qu'il avait quelques semaines auparavant envie de tout balancer aux flics, voilà qu'il n'avait plus mot à dire devant eux. Jugé coupable du meurtre d'un vigile de la banque ciblée, on l'a enfermé sans vraiment chercher à en savoir plus sur l'identité du coupable et les raisons : les caméras de surveillance lui donnaient tort : on le voyait s'enfuir de la scène de crimes sur les images de magasins, plus loin que cette maudite banque. C'est ainsi qu'on le condamna à 15 ans de prison ferme...



« Queirós, sors de là. » Il s'exécute. Cinq ans ont passé depuis son arrivée ici : il connaît les règles il sait que s'il ne désire pas être violenté, il vaut mieux qu'il obéisse quand on lui donne un ordre. « Pourquoi... ? » demande-t-il bêtement pendant que le maton lui enlève ses menottes. D'ordinaire, c'est seulement pendant les promenades et durant les visites qu'il a le droit à ce qu'on lui enlève les menottes. Pourtant, ce n'est l'heure ni de l'un, ni de l'autre. « T'es libre mon pote, souris un peu. » Il le regarde sourcils froncés. Ce n'est pas "son pote", et comment ça ? Il ne pose toutefois pas plus de questions. Cinq ans ici, ça lui a appris à se taire. color=#003366]« Tu vas quand même avoir un agent de probation pour être sûr que tu ne fasses plus de conneries. Mais on a attrapé le connard qui a tué le vigile. On sait que c'est pas toi ? »[/color] Il le regarde une nouvelle fois sans comprendre. Bob, le maton, n'est pas le genre à se taire quand il faut, mais quand il parle, il se garde bien de donner les informations les plus importantes. Mais Xavi ne va pas se plaindre. Pour la première fois depuis longtemps, il va respirer l'air pur en étant un homme libre.

Plusieurs jours après sa libération, les journaux en font les gros titres : le coupable du meurtre du braquage qui a eu lieu cinq ans plus tard a été arrêté. Pedro Gonçalvès fait désormais partie des prisonniers les plus surveillés de Melbourne. Xavi, lui, n'est pas complètement délivré. Il doit voir son agent de probabation régulièrement, puisqu'il a fait partie de ce fou braquage et a largement purgé sa peine en étant un détenu irréprochable. Prochaine étape : refaire sa vie.


GIRL LIKE YOU

Leurs regards se croisent et elle détourne aussitôt ses yeux. Il sourit. Ce petit jeu entre eux a lieu depuis maitenant plusieurs semaines. Il est devenu l'homme à tout faire d'une famille qu'on lui a recommandé : la famille de la soeur de son agent de probation. Il est la plupart du temps au chômage, mais on l'appelle dès qu'on a besoin, pour faire plus ou moins toutes les tâches. Il est un peu comme le bouffon de quelqu'un, le boy, celui dont on se sert quand on n'a pas envie de faire. Il s'approche d'elle, sans se précipiter. « Un jus de fruits ? » Elle se décide à reposer ses yeux sur lui et son sourire, si magnifique qu'il lui en retourne l'estomac, lui donne une réponse positive.

Xavi est devenu l'homme à tout faire d'une famille tout ce qu'il y a de plus aisé. Le père et la mère sont deux vieux sans aucun scrupules, qui peuvent lui donner à faire n'importe quelle tâche jusqu'au récurages de toilettes qui n'ont pas connu de savon depuis une dizaine d'années... ou encore de leur fosse sceptique. Mais il ne se plaint pas : il est suffisamment payé pour arriver à se bâtir une nouvelle vie. Si ses études ne lui suffisent pas pour trouver un job à la hauteur de ses attentes, il est prêt à littéralement se salir les mains pour travailler et gagner sa vie. Leur fils est un homme plutôt absent, dont le fils d'un premier mariage est assez turbulent mais adore jouer au foot avec Xavi. Quant à sa fiancée, la future belle-fille de ses patrons... autant dire qu'elle fait plutôt tourner la tête de Xavi...



« Xavi, on ne peut pas... » Sa phrase s'éteint pendant qu'il embrasse son cou avec ferveur. Il n'en a rien à faire qu'ils ne puissent pas, et jusque là, ça ne l'avait pas dérangée, qu'ils fassent ce qu'ils veulent. « D'accord. » Il s'arrête aussitôt, prêt à se rhabiller. « Oh ! Au diable ce qu'on peut faire ! » se ravise-t-elle avant de se coller à lui pour l'embrasser à nouveau...

En l'espace de quelques mois, il est devenue l'amant d'une femme sur le point de se marier, incapables de refuser les avances l'un de l'autre. Peu importe qu'elle soit la soeur de son agent de probation. Peu importe qu'il soit considéré comme le mauvais garçon qu'il ne faut pas approcher. Peu importe qu'elle soit à peine plus âgée que lui. Xavi est vite tombé amoureux d'elle et sa passion pour elle le dévore de l'intérieur. Pourtant, il s'efforce de ne rien attendre d'elle : elle représente l'interdit autant que lui pour elle, et elle se refuse à lui dire ce qu'elle ressent ou non pour lui.