La journée était bien entamée déjà : il était 15h quand j'ai croisé une horloge dans les écuries : un sourire sur les lèvres, j'ai continué ma tâche. J'ai pris la brosse, je me suis approchée de Silva, la jument, et j'ai commencé à chantonner : elle adorait ça. Je les connaissais par coeur, mes chevaux : si le point faible de cette jument c'était la chansonnette, Tlerre adorait le silence, Grale aimait l'eau, Lil avait un faible pour les carottes...

Je pourrais continuer comme ça pendant très longtemps. Je vous le dis : ça ne faisait pas longtemps que j'étais ici, mais j'avais passé beaucoup, beaucoup de temps en leur compagnie. J'étais restée dans leur box pendant des après-midi entières. Je les avais monté quand ils se sentaient bien. Je les avais soigné quand ils se sentaient mal. Je comprenais la moindre de leur respiration, de leur regard, de leur bruits.

Ils étaient bien plus important que n'importe qui. Enfin ... Non. Plus maintenant. Plus maintenant que je l'avais revu : je parlais bien sûre de Lynch. Je l'avais revu dans ce bar, en ville, où j'avais appris qu'il était propriétaire. Et ça m'avait chamboulé. Depuis ce soir-là, je chantonnais plus facilement, je souriais plus sincèrement. Et tout me semblait plus simple, plus léger. Au grand damn d'Adrian, la personne qui travaillait au ranch avec moi : et qui, depuis mon arrivée, me faisait du rentre dedans.

J'adorais mes animaux. J'adorais mon travail. Je ne pourrais imaginer ma vie sans faire ça. Alors oui, si pour m'épanouir -ou plutôt pour épanouir mes animaux, je devais chantonner : qu'il en soit ainsi. J'ai souris à cette pensée, et j'ai continué à brosser mon cheval. Si je me rappelais bien -bien que la mémoire ne soit pas ma qualité première, Clélia devrait débarquer dans pas très longtemps pour le cours de sa fille.

J'avais connu Clélia quand elle est arrivée au centre, un peu perdue, et qu'elle m'avait demandé si on faisait des cours. Je lui avais fais faire le tour des écuries : au moment de commencer à lui présenter les animaux, elle avait rit en me disant qu'il vaudrait mieux faire ça avec sa fille, la personne qui allait monter. Du coup, on en a rit ensemble, et depuis, on s'adore. Enfin, je l'adore. Elle ... Je crois qu'elle m'aime bien aussi.

J'adorais sa fille : elle me rappelait beaucoup ma jeunesse. Et puis elle était polie, à l'écoute, gentille, et tellement bien élevée : pas de doute que Clélia avait fait du très bon boulot. En entendant sa voix fluette, je n'ai pu m'empêcher de sourire, avant de lever les yeux au ciel. " Laisse-moi deviner : il est encore persuadé que je vais finir mes jours avec lui ? " Je me suis tournée pour lui faire face, et j'ai finis par rire un peu.

J'ai laissé la brosse sur le rebord du paddock, et je me suis approchée d'elle pour lui faire la bise. J'ai penché la tête et mon corps sur le côté, et j'ai fais un signe à Victoria qui était déjà sur son cheval, prête à démarrer son cours. Je me suis reconcentrée sur Clélia. " Grale adore quand je chantonne : ça le détend. Comme il est un peu patraque ces temps-ci, je m'exécute pour lui rendre la vie plus agréable. " Je lui ai souris, et je lui ai indiqué le banc non loin, où on pourrait papoter et regarder le cours de Victoria.

Sur le chemin pour aller là-bas, j'ai gueulé. " JE PRENDS MA PAUSE ADRIAN. " Et j'ai rejoins Clélia sur le banc, à l'ombre. " Comment tu vas ? " Autrement dis : quoi de nouveau dans ta vie ?

Cette obsession d'Adrian à mon égard me fascinera toujours : dès mon arrivé, il avait juste ... Crushé sur moi ? Impossible de m'en débarrasser. Oui, on partageait la même activité, la même passion ; oui, il m'avait donné un emploi sans même douter de mes capacités ; et oui, il m'avait donné les clés du Ranch dès le premier jour. Je lui devais énormément, mais jamais je ne pourrais céder à ses avances. Jamais.

Donc la seule réaction que j'avais face aux dires de Clélia, c'était de lever les yeux au ciel et de soupirer : peut-être qu'un jour il se lassera de me courir après sans aucun résultat. Enfin, je l'espérais : sinon, ces prochains mois (ou prochaines années?) allaient être très longs. Nous nous asseyâmes sur notre banc habituel, et à ma question, Clélia posa un silence : plus de 10 secondes ? Quelque chose n'allait pas. Et ce n'était absolument pas raccord avec ce qu'elle m'avait répondu.

" La routine ? Avec un silence pareil avant de répondre, j'en déduis que ce n'est pas tant la routine que ça. " Je lui ai souris, en jetant un oeil vers l'entrée du Ranch pour m'assurer que personne n'arrivait. J'ai tourné ma tête vers elle quand elle m'a parlé, et j'ai levé les yeux au ciel, grand sourire aux lèvres, et joue rosies par sa déduction. " Hum, hum. " J'ai secoué la tête et j'ai posé mon dos sur le dossier du banc. " Disons que j'ai eu quelques ... Rebondissements ces derniers temps. " Lynch. Voilà le nom du rebondissement.

" Mais avant que je ne te parle, je veux que toi tu me racontes : c'est toujours le même homme qui te fait tourner la tête ? "