Aujourd'hui c'était un jour de repos, pas besoin de se rendre à l'université. Elle avait fait une longue grasse matinée, profitant de son repos pour se faire ce qu'elle préférait dans la vie. Dormir. L'enfant terrible de la famille posa une main sur la fourrure touffue de son berger blanc suisse qui dormait contre elle. Il était bien le seul -avec le reste des animaux- à avoir le droit à un traitement plein de douceur. La jeune mexicaine savait qu'il allait bientôt lui réclamer à sortir. Il devait se retenir depuis longtemps. Logée dans ses draps de satin, la brune se redressa pour venir se coller contre son gros chien et lui embrassa la truffe. Puis, elle se leva. Comme à son habitude, peu vêtue, elle ouvrit la grande porte fenêtre de sa chambre pour laisser entrer l'air frais. Elle s'alluma une cigarette avant de quitter sa chambre pour la salle de bain, allant se faire couler un bain dans son immense baignoire à bulles. Il n'y avait rien de mieux qu'un bon bain pour se réveiller.

Emiliana pouvait être jalousée. Déjà, elle se trouvait être très belle, ayant beaucoup hérité de son père. Ensuite, elle était très riche, là encore grâce à son père. Et elle, elle trouvait que sa vie pourrait être bien plus belle que celle qu'elle vivait. Certes, elle avait tout ce qu'elle voulait, elle obtenait tout ce qu'elle voulait, quand elle le voulait. Mais elle n'était pas le genre de fille à en abuser. Aussi étrange que ça soit. Sauf peut être pour l'argent. Elle en réclamait quand elle n'en avait plus. À côté de ça, bien que toujours insolente avec son paternel, elle allait à l'université et travaillait assidûment. Ce qui pouvait être étrange quand on voyait son comportement. La jeune fille noua ses longs cheveux en chignon et se glissa dans son bain après avoir laissé son chien descendre dans le jardin. Le pauvre devait être plein. Liana se prélassait tranquillement dans son bain. Durant un long moment, elle resta à macérer dans l'eau avant de se lever. Une fois sèche et habillée, coiffée et maquillée, la jeune femme se fourra une nouvelle cigarette entre les lèvres et quitta ses quartiers pour se rendre au bureau de son père. Ce bourreau du travail ne s'arrêtait jamais. Sans frapper, elle entra dans le bureau, observant les personnes présentes. Elle marchait d'un pas décidé et arrêta sa course en posant ses fesses sur le bureau de son père. Inspirant une longue bouffée, elle lui adressa un sourire.

« Bonjour Lorenzo... J'aurais besoin d'un peu d'argent s'il te plaît. »

À ces mots, elle tendit la main vers lui, réclamant qu'il y pose des billets. Depuis très longtemps maintenant, elle l'appelait par son prénom et non plus par le pseudonyme de « papa », estimant qu'il n'avait de père que l'adn et le statut sur papier. Ça s'arrêtait là.

Évidemment, à quoi s'attendait-elle ? Son père ne prenait pas soin d'elle, il n'en était pas capable de toute manière. La jeune femme ne ressentait que du dégoût pour cet homme qui était son géniteur. Il n'avait d'yeux que pour son travail et pour cette pimbêche qu'était sa femme. Cette jeune pétasse grattant dans l'héritage de la brune. Seule sa petite sœur avait le droit à de l'amour de la part de la mexicaine. Parce qu'elle n'avait pas demandé à naître dans cette famille de dégénérés. Son père refusait de lui donner de l'argent et Emiliana s'y serait attendue. De toute manière, il ne faisait rien pour elle en dehors de l'héberger et de lui payer ses études. Et encore, elle trouvait ça miraculeux qu'il ne l'ait pas déposé dans un orphelinat, pire encore, qu'il ne l'ait pas tué avec sa mère. La brune laissa retomber sa main alors qu'un gorille venait lui prendre sa cigarette des lèvres pour l'écraser dans le cendrier. La jeune femme l'observa avec un regard des plus hautain et lui cracha sa fumée au visage avant de lui sourire. Elle était effrontée avec tout le monde, tout l'entourage de cette homme qu'elle appelait « papa ».

Contrariée de la réponse de son père, Emiliana se redressa sans lever son fessier du bureau, le dévisageant. Il n'était pas sérieux quand même ? Le mois prochain ? Hors de question qu'elle attende jusque là. La brune soupira doucement.

« Je travaille je te signale. À l'université. Je ne peux pas être une excellente élève et en plus, aller vendre des glaces ou pire, des hamburgers gras et plein d'additifs. Je ne suis pas n'importe qui, je suis la fille de Lorenzo Flores. Que diraient les gens s'ils apprenaient que tu me coupes les vivres alors que mon année a été exemplaire à l'université ? »

Prendre son père par les sentiments, l'amadouer, lui faire comprendre qu'elle pouvait largement nuire à sa réputation, c'était son jeu favoris. Emiliana afficha une moue triste et presque larmoyante. Il la connaissait assez pour savoir qu'elle tenterait n'importe quoi pour obtenir son argent. Cependant, elle n'avait pas tort pour son travail à l'université. Certes, Lorenzo lui payait ses études mais la jeune femme avait toujours été une élève exemplaire. Elle mémorisait très vite et elle faisait quelque chose qui la passionnait. Alors forcément, elle travaillait très bien. C'était au moins un point positif dans son comportement de garce avec son père. Emiliana n'avait toujours pas bougé, s'installant un peu mieux en cherchant une cigarette sur le bureau. Elle ne comptait pas lâcher son père avec cette affaire d'argent et elle savait déjà que ce ne serait pas une partie de plaisir.

« De plus, j'ai besoin de cet argent parce que j'aimerais passer la journée avec ma petite sœur et que je ne veux pas mon contenter de l'amener à la plage et de ne pas pouvoir lui offrir une gaufre au Nutella. Donc, si tu me donnes mon argent, tu seras tranquille toute la journée. À moins que tu ne veuilles nous accompagner. Mais j'en doute, vu que ton travail te prend tout ton temps... »

La mexicaine essayait non seulement de l'amadouer avec des arguments assez convainquant, mais de plus, elle se permettait de lui faire des reproches pas si sous-entendus que ça et criant de vérité. Lorenzo avait toujours trop travaillé. Il n'avait jamais pris le temps de s'occuper d'elle, elle ne comprenait même pas pourquoi il l'avait gardé avec lui. Il aurait dû la tuer.

Liana serra les mâchoires, fixant son père avec un regard assassin. Il n'y avait vraiment plus aucun amour entre eux et il le lui prouvait encore. Elle pouvait s'envoyer en l'air avec toute l'armée Australienne qu'il s'en foutrait complètement. Elle se demandait comment les médias prendraient un aveux comme celui là. Elle soupira doucement et leva son fessier du bureau en croisant les bras.

« Évidemment, Monsieur Flores pense qu'il est judicieux de donner une leçon de vie à sa « fille ». A se demander pourquoi tu m'as reconnu ! »

Cependant, la jeune fille ne lâcha pas le morceau, utilisant sa petite sœur pour tenter d'amadouer son père. Mais ça aussi ça ne semblait pas marcher. Le pire était à venir et Liana n'était pas au bout de ses surprises. La suite manqua de la faire hurler de rage et sauter à la gorge de son père pour l'étrangler. Vraiment, cet homme n'avait de respect que pour sa propre personne. La jeune femme ne se reconnaissait pas dans les traits de son père et l'image de sa mère était si floue qu'elle se demandait si elle en avait une. Bien qu'elle savait parfaitement ce qu'il avait fait à sa mère, Emiliana se demandait une chose. Pourquoi il ne s'était pas débarrassé d'elle aussi ? Pourquoi il l'avait gardé ? Pendant longtemps, elle était restée muette avec lui puis, elle avait commencé à être agressive. Le lien avait été rompu entre eux. Il n'y avait pas de retour possible. La jeune femme souffla un bon coup pour tenter de ne pas tuer son père comme lui l'avait fait avec sa mère.

« Venir avec nous ? Qu'est ce que tu fais là ? Tu essaies de te racheter une conduite avec Luna pour celle que tu n'as pas eu avec moi ? Tu as peur de quoi ? De brûler en enfer si tu fais pas d'effort avec Luna ? »

Liana bouillonnait intérieurement. Elle avait envie de lui griffer le visage et d'arracher cet air pédant qu'elle ne supportait plus. En vérité, elle n'aimait pas son père, elle ne le supportait plus. C'était cruel de se dire qu'il était son seul parent qu'il lui restait et qu'elle n'arrivait plus à l'aimer comme une fille aurait du aimer son père. Elle tourna les talons, furieuse.

« Je pars dans quinze minutes, avec ou sans toi ! »

Puis elle quitta le bureau sans attendre de réponse de sa part, sans le regarder. À la hâte, elle enfila son bikini et glissa une petite robe par dessus avant de préparer la petite et les affaires de plage. Une fois pleine de crème solaire, Luna dans un bras, le sac et la bouée dans l'autre, les lunettes de soleil vissées sur le nez, la jeune femme attendait son père dans le hall de la villa, soupirant doucement. Elle observa Luna et déposa un tendre baiser sur sa joue.

« On va bien s'amuser à la plage hein ? Ton papa vient avec nous en plus ! »

Elle posa le petit chapeau en paille sur la tête de l'enfant, attendant son père tranquillement. Quand il fut enfin là, elle se contenta de lui lancer un bref regard avant de quitter la villa familiale, bien décidée à passer une bonne avec la petite. Et uniquement la petite. Et surtout, son père avait intérêt à se plier à ses exigences, à commencer de devoir marcher jusqu'à la plage. Prenant la direction de cette dernière, Liana posa Luna sur le sol et lui prit la main, marchant tranquillement en ignorant son père.

La jeune femme sentait que sa journée allait être pourrie sous prétexte que son père avait décidé de lui gâcher. Elle lâcha un soupir lourd d'agacement avant de quitter son bureau. Monsieur voulait toujours avoir réponse à tout, la traitant comme une vulgaire employée. Pourquoi il ne la mettait pas à la porte une bonne fois pour toute, que ça se termine tout ça ? Dans sa chambre, Liana inspira profondément pour se calmer. Elle prépara ses affaires avant d'aller attendre son père dans le hall de la villa. Luna était toute heureuse et Liana ne pouvait se résigner à lui gâcher sa journée. Cette petite ne méritait rien d'autre que du bonheur. La jeune femme lui adressa un léger sourire en hochant son visage, n'ayant rien à dire de plus. Son père ? Faire un château de sable ? C'était une autre dimension.

Enfin, ils prirent la direction de la plage. Voilà la parfaite petite famille en apparence. Papa qui prend du temps avec ses filles alors qu'au fond, il faisait ça par pur égoïsme. Ou au moins par amour pour Luna. Liana, ne lui adressa pas la moindre parole ni le moindre regard. Luna parlait déjà bien assez. Sur la plage, Lorenzo manqua d'aller planter son drapeau de riche sur une place pour la réserver. Liana haussa les épaules et le suivit, posant alors ses affaires au sol. Une fois qu'elle était installée, Luna lui attrapa la main pour la tirer vers l'eau.

« Hey attends Luna. T'as pas mis ta crème, t'as pas ta bouée. »

Elle fit pivoter l'enfant vers elle pour la tartiner de crème, profitant pour la chatouiller. Puis elle gonfla la bouée avant de la donner à Luna. Elle se leva, fit son chignon pour éviter de mouiller ses longs cheveux puis se mit de la crème, les yeux rivés sur Luna pour ne pas la perdre de vue. Ici, c'était toujours la foire et une seconde d'inattention pouvait sincèrement devenir une vie volée.

« Merde... Luna attends moi !!! »

Les sandales de Liana volèrent sur sa serviette alors qu'elle se mit à courir vers sa petite sœur qui se rapprochait dangereusement de l'eau. Elle l'attrapa dans ses bras avant de faire semblant de la manger, entrant dans les vagues au fur et à mesure. Elle ne prit même pas la peine d'inviter son père à les rejoindre. Au bout de vingt minutes, Luna commençait à avoir les lèvres bleues et froid. Liana la prit dans ses bras et quitta l'eau pour aller l'enrouler dans une serviette pour la sécher, lui remettant son chapeau sur la tête.

« Voilà, maintenant tu peux aller faire un château avec Papa. »

Emiliana manqua de lâcher une insulte quand Luna insista pour qu'elle participe à la confection du château de sable. La jeune femme n'avait pas réellement envie de faire quelque chose avec son père. Soit, elle abdiquerait pour sa petite sœur. Elle jeta un regard à son père qui semblait plus conciliant qu'elle. Et ce geste l'agaça encore plus. Liana gonfla les joues et soupira doucement avant de suivre sa petite sœur et de s'agenouiller près d'elle, l'aidant pour confectionner le plus beau des châteaux de sables. Malheureusement, la brune n'était pas vraiment douée pour créer des choses et le château risquerait bien d'avoir une sale tronche. Elle attrapa un seau que son père lui tendait sans même le remercier et le remplit de sable humide pour faire l'une des premières tours.

« Un grand coquillage ? Mais tu en feras quoi hein ? »

La petite avait une imagination débordante alors Liana savait qu'elle trouverait bien quelque chose à faire de son énorme coquillage. Encore fallait-il qu'elle en trouve un. La brune s'amusa à creuser tranquillement une douve autour du château, laissant son père et Luna faire les murs. Le château commençait à prendre forme et Liana devait bien avouer que son père était bien plus doué qu'elle. Elle se retint de lui lancer le moindre compliment malgré tout, il ne fallait pas croire que monter un château de sable en famille effacerait quoi que ce soit. Chaque fois qu'elle posait les yeux sur son père elle revoyait le corps sans vie de sa mère. Elle ne comprendrait sans doute jamais pourquoi il avait fait ça. Elle, de ses yeux d'enfants, tout ce qu'elle comprenait c'est qu'elle avait été gravement malade et que sa mère n'avait pas pu voir sa guérison. Et qu'elle avait alors refusé tout contact avec son père. Alors qu'elle était plongée dans ses pensées, Luna se mit à hurler. Liana sursauta si fort qu'elle en fit tomber son seau sur une tour qui s'effondra.

« Mais qu'est ce qu'il te prend ?! »

Clignant des yeux en voyant sa petite sœur terrorisée par quelque chose, Liana se déplaça et découvrit un petit crabe inoffensif. L'animal avait du se trouver dans le sable quand les filles s'étaient amusées à remplir leur seau. Et il avait fait un petit trou dans un des tours pour se sortir de là. Il ressemblait à un roi étonné qui tentait de reprendre son bien. Liana soupira doucement et attrapa doucement le petit animal entre ses doigts, arrachant un hurlement à Luna.

« Arrête Luna, il est tout petit. Il ne te fera rien ne t'inquiète pas. »

La brune se leva pour aller poser le crabe près de l'eau, le laissant reprendre le cours de sa vie. Elle revint vers Luna et l'observa, un léger sourire sur les lèvres.

« Tu vois, il n'y avait pas de quoi hurler comme ça. Regarde, tu as alerté toute la plage pour rien ! »