« Ces plaisirs violents ont des fins violentes. Dans leur excès ils meurent, tels la poudre et le feu que leur baiser consume. »

Après-midi en amoureux. Du moins, tu veux y croire, parce que tu sais très bien que ce n’est pas tout à fait le cas. Ton ventre a beau s’arrondir à cause de lui, tu n’as pas réussir à obtenir les mots de sa part que tu as tant espérés. Les mots que toi, en revanche, tu as osé prononcé. Tu ne peux pas vraiment dire que tu regrettes de lui avoir ton cœur. Mais tu regrettes sincèrement et très amèrement avoir prononcé ces paroles sans qu’il n’y ait réciprocité. En fait, t’as juste envie de disparaître, de ne plus vivre toute cette histoire compliquée. Mais tu ne peux pas enlever Sasha du tableau, après tout c’est sa femme, elle était là bien avant toi et ce serait injuste de lui demander de choisir. Parfois, tu te dis que ça aurait été mieux si toutes ces années tu n’avais pas cherché à séduire Alexis, à le mettre dans ton lit, si tu ne t’étais pas si longtemps attachée à cette idée.
Tu en es presque à ton huitième mois mais tu es toujours autant à fleur de peau que lors des tous débuts de ta grossesse. Tu sais déjà le sexe de ton bébé, même si Mary est la seule à être au courant de celui-ci. Tu ne l’as même pas dit à Alexis. Tu trouves ça trop injuste qu’il s’enthousiasme à l’idée d’un bébé que tu mettras au monde alors même qu’il aurait préféré que ce soit son épouse qui l’ait plutôt que toi. Il ne te l’a pas dit, mais tu le comprends bien. Tu le comprends bien parce qu’à sa place, sans doute aurais-tu eu le même vœu. Tu as beau fermer les yeux sur ce qui pourrait te faire du mal, tu n’es pas naïve pour autant. Même si tu es parfois bête quand il s’agit de cette relation adultère. Tu as beau faire comme si tu n’avais rien à te reprocher, tu es celle qui lui a si souvent tendu la main pour qu’il te dise oui. Et désormais, tu ne peux pas t’empêcher de ne pas vouloir pleinement son bonheur quand il ne fait pas le tien. Certains te traiteraient volontiers de peste, de connasse et autres mots d’oiseaux qui pourraient en vexer plus d’un. Tu le reconnais. Mais la vérité, ce n’est pas que tu es ce genre de personne, non, c’est que tu préfères en profiter plutôt qu’en souffrir. Même si ça veut dire te protéger un minimum en faisant souffrir les autres. Le terme égoïste te conviendrait mieux.
Et c’est parce que tu es égoïste que tu te retrouves là, dans sa voiture, pendant qu’il conduit. Les mains sur ton ventre, tu apprécies la simplicité de cette journée qui s’annonce. Il t’a proposé d’aller te balader. Tu n’as pas joué les curieuses, tu ne lui as posé aucune question. Juste répondu que tu étais partante. Pour une fois, ça vous change aussi de ne pas exclusivement axer votre relation dans un lit. Et toi, tu as moins l’impression de l’avoir poussé à faire de toi l’objet pour évacuer ses frustrations. Après tout, l’arrangement qui le lie à sa femme, ce sont eux qui l’ont voulu, pas toi. Tu le regardes un instant et, subitement, ta curiosité se réveille.
- Alors, on va où ?

« Ces plaisirs violents ont des fins violentes. Dans leur excès ils meurent, tels la poudre et le feu que leur baiser consume. »

Tu n'as qu'à imaginer voir cette relation, ce moment de l'extérieur pour réaliser à quel point tu es dure avec Alexis. Tu refuses de lui parler, tu refuses de l'inclure dans tout ça. C'est assez vindicatif comme réaction, surtout quand on sait que tu agis de la sorte simplement parce qu'il ne veut pas de toi. Ou du moins pas sans sa femme. Déjà que sa femme rêve que tu ne sois pas de ce monde, à quoi bon faire en sorte de faire croire à n'importe qui que ce que tu as te convient. Tout le monde sait que c'est faux... À commencer par Alexis lui-même. Mais tu ne peux pas t'empêcher de lui en vouloir de faire avec. Toi, tu en es bien incapable. Et si tu ne souhaites pas de mal à Sasha, tu ne lui souhaites pas de bien non plus pour t'avoir enlevé le peu de bien que tu avais toi dans ta vie. Enfin, excepté tes deux amis de toujours. Que ne ferais-tu pas pour Mary et Dylan.
Ca te fout l'estomac en vrac quand il te répond. En fait, tu aurais préféré qu'il se taise, qu'il ne te réponde pas, qu'il ne te dise pas. Maintenant tu en as la nausée. Essaie-t-il de se racheter une bonne conscience désormais qu'il réalise à quel point ta vie est foutue ? Mère à dix huit malheureuses années, enceinte d'un homme de dix ans ton aîné, marié et fou amoureux d'une femme avec qui il a pourtant décidé d'être un couple libre et d'aller voir ailleurs... Cette même femme qui te fait sentir comme si tout ce qui n'allait pas dans son couple était ta faute alors même que cet arrangement lui convenait jusque là et qu'elle aussi, hypocrite, allait voir ailleurs ? Sauf que dans son malheur, les hommes qu'elle a fréquentés ne peuvent pas porter d'enfant, ce qui n'est pas ton cas. Son homme, contrairement à elle, n'est allé voir qu'une seule autre femme. Toi. Et bien mal lui en a pris, si on en croit la version de Sasha. Tu soupires.
- Une "petite maison" ? On va vraiment jouer à la "petite famille", du coup ? L'ironie de ta voix s'entend plus que jamais auparavant alors que tu en faisais déjà bien plus que cela. Ta grossesse t'a ôté ton acidité, mais tu n'en perds pas pour autant ta répartie. Je n'ai pas envie de faire semblant, Alexis. Tu fermes les yeux. Ces mots tu les as prononcés si bas que tu n'es même pas certaine qu'il les ait entendus. Tu hausses les épaules. Maintenant il en a quelque chose à faire de "vous" ? Parce que jusque là, il n'y en a que pour le bébé. Ton seule avantage est d'être la mère qui le porte. Sans ça, tu ne serais déjà plus rien pour lui. Et tu te venges comme tu le peux. Il ne sait même pas si c'est une fille ou un garçon. Et tu fais tout pour qu'il en reste ainsi. Le bébé va bien, si c'est ce que tu veux savoir. Du reste, tu ne lui parles pas de toi. Tes joues sont creusées, de même que le contour de tes yeux. Tu es fatiguée, tu n'es même plus sûre de vouloir être mère. Mais qu'en a-t-il à faire ? Le jour où tu lui as dit que tu ne voulais plus souffrir de votre relation, il n'est jamais revenu vers toi sinon par des SMS auxquels tu n'as jamais vraiment répondu. Sauf pour cette "sortie". Mais il ne t'a pas laissé le choix. Tu ne le mets pas particulièrement à l'écart mais tu ne l'inclus pas. Parce que même toi, ce bébé, tu n'es plus certaine d'en vouloir vu l'état dans lequel cela te met, et vu ce qu'il t'a coûté.