Assise dans la salle d’embarquement, je regardais les avions aller et venir sur le tarmac, détournant par moments mon regard sur les passagers qui attendaient leur avion tout comme moi. Certains dormaient, d’autres s’embrassaient, des enfants chahutaient dans une des allées et moi, j’étais dans mes pensées. Je partais à Melbourne, un peu sur un coup de tête. Je devais savoir pourquoi mon meilleur ami, soi-disant, avait coupé les ponts du jour au lendemain.

Penser à Jay me rappelai mon premier jour à l’armée. Le jour où j’ai quitté Perth pour réaliser ce pour quoi j’étais réellement faite. Je me suis tout de suite senti à ma place. Etre entourée d’homme n’a jamais été un problème pour moi, j’ai grandi principalement avec des hommes. Et ils m’ont tout de suite intégrée, sans que je ne sache vraiment pourquoi. Faire partie d’un tel groupe n’est pas explicable. C’est quelque chose qu’on vit, et à fond. Je dirais même que ça m’a sauvé la vie. Sans l’armée, je serais sûrement en train d’accumuler des travails qui ne me conviennent pas.

Pourquoi avoir choisi l’armée ? C’est une décision qui n’a pas été difficile à vrai dire. Je pense même que je l’ai toujours su. Evoluer dans ce milieu, c’est se dire chaque jour que tout peut arriver. Lorsque j’étais petite, j’étais angoissée à l’idée que mon père ne revienne pas. Quotidiennement, on me faisait des réflexions de ce genre et j’y pensais un peu plus. Mais au fond, j’étais fière de lui, je l’aimais plus que n’importe qui et le voir faire ce qu’il fallait, c’était incroyable. Même quand ma mère est partie, alors que je n’avais que onze ans, que j’ai du m’occuper de mon petit frère et ma petite soeur. Rien ni personne n’a jamais été aussi important que mon père. Jusqu’au jour où on m’a appelé pour me dire que ce que je craignais le plus était arrivé. Tout est devenu lucide. Malgré mon deuil, je savais ce que je devais faire. M’engager était la solution.

Les yeux fermés au milieu de l’aéroport, je me rappelai tous ces moments de ma vie. Tous ceux que j’avais laissé derrière et ceux qui m’avaient abandonnés. Je me remémorai tout clairement. J’ai toujours foncé tête baissée quand j’avais besoin de quelque chose, c’est ce que j’ai toujours fait et que je fait encore. Je ne sais pas ce qui m’arrivera à l’avenir mais je sais où je vais. A Melbourne, sans savoir ce qui m’attends ni ce que je vais y trouver. J’en ai besoin et je ne suis pas du genre à baisser les bras. Je monte dans l'avion, regarde à travers le hublot et je décolle vers ma nouvelle vie.