LA CLASSIQUE TRAGEDIE.
ACTE I. Je l'avais tant détesté. Tant détesté pour être tout ce que je n'étais pas. Insupporté pour ses caprices, pour son mode de vie incompatible avec le mien. Et pourtant, j'étais là, devant lui, mon bonheur se reflétant dans ses yeux, vêtue de ma longue robe blanche, à lui dire "je le veux". Je rêvais d'une famille, je rêvais de vivre mes rêves jusqu'au bout. Le passé m'avait privée de l'un d'entre eux, peut-être le plus ambitieux de tous, mais j'avais confiance dans le futur. J'avais réalisé mes sentiments pour cet homme qui, finalement, faisait chavirer mon cœur depuis le tout début sans jamais que je ne veuille l'admettre. Notre futur serait radieux, il serait glorieux. Et les mois passants n'avaient pas manqué de me donner satisfaction.

ACTE II. Trois beaux enfants. Mon rêve d'être maman était accompli. J'avais donné naissance à une petite fille peu de temps après mon mariage. Mitch et moi avions pris l'énorme décision, après cette grossesse, d'adopter. Et c'était deux adorables bouts de chou, presque adolescents, et donc plus âgés que notre fille, que nous avions pris sous notre aile. La photo de famille était magnifique, le sourire que nous arborions chacun relatait le bonheur que nous vivions. J'étais heureuse, une femme accomplie, qui travaillait avec des enfants adorables et qui en avait trois encore plus angéliques que ce que j'avais espéré. Tout allait pour le mieux, jamais je n'aurais pu envisager qu'il puisse un jour en être autrement. Mais l'univers a besoin d'équilibre. Pour chaque bonheur il existe un malheur équivalent...

ACTE III. Mes yeux étaient rivés sur Mitch. Cet accident de voiture avait été traumatisant et les choix qu'il me fallait faire lui coûteraient, j'en avais bien conscience. C'est à contrecœur que j'avais hoché la tête en direction du médecin. Après tout ce temps passé l'un avec l'autre, je savais pourtant que cette décision ne lui plairait pas. C'était sa vie qui était en jeu et je ne pouvais pas passer à côté. Je ne pouvais me résoudre à lui griller ses chances de survie, simplement parce que le choc lui ferait du mal. L'adage disait qu'il fallait "vaincre le mal par le mal" et c'était ce que je faisais en acquiesçant. Les larmes dévalaient mes joues à grande vitesse. Je savais ce qu'il perdait, l'en priver c'était le priver de sa vie. Ce n'était pas la culpabilité qui m'effrayait, mes les reproches de mon mari à son réveil. Après toutes ces années ensembles, pour la première fois de ma vie, le lendemain n'était pas seulement flou, il était noir. L'incertitude. Et s'il m'en voulait jusqu'à sa mort ?

ACTE IV. Cinq longues années. Je partageais ma vie avec un autre homme, un homme qui avait su m'apporter le réconfort dont j'avais eu besoin au réveil de Mitch. Il m'avait tout bonnement quittée après avoir su que j'étais la responsable de la perte de sa jambe, notre couple brisé dans ce qui semblait être définitif. Et j'avais trouvé réconfort dans les bras d'un autre. Un autre avec qui j'étais restée presque quatre ans et demi... sans aucun amour. Je ne l'aimais pas, du moins pas comme j'avais pu aimer Mitch et comme je l'aimais toujours. Cette séparation avait été un véritable crève cœur et j'avais cru mourir quand nous nous étions éloignées, brisant le peu qui persistait entre nous. Avec mon "amant", Nico, j'avais réussi à ne pas sombrer. Essayé de retrouver goût à ma vie sans mon grand amour. En vain. Je m'étais laissée portée par cette relation sans lendemain... qui pourtant en avait vu passer, des lendemains. Et puis je m'étais retrouvée enceinte. Enceinte d'un homme que je n'aimais pas comme j'aurais dû. La panique s'était emparée de moi et j'étais allée trouver mon mari, dans le fol espoir qu'il m'ouvrirait la porte. Et la porte s'était miraculeusement rouverte.

ACTE V. Quatre ans après la naissance de Thao, mon fils, que Mitch avai adopté comme s'il était aussi le sien, voyait le jour notre petite dernière. Les choses s'étaient arrangées de façon aussi hasardeuses que miraculeuses. Un peu comme si ce petit garçon que j'avais mis au monde avait apaisé les tensions. Gardant contact avec son père biologique, Thao n'avait jamais perdu de perspective lequel des deux hommes l'avait éduqué. Quant à moi, j'avais totalement coupé les ponts avec cet homme dans les bras duquel je m'étais perdue bien trop longtemps. Une entente très cordiale, seulement nécessaire pour les décisions concernant mon petit garçon. Comme chaque tragédie trouve son dénouement, le notre s'était réfugié dans le bonheur que nous avions perdu pour mieux le retrouver. Seule ombre au tableau, l'intrépidité de mon mari qui adore se mettre dans des situations aussi improbables que dangereuses...