Ma tasse de thé dans la main, je parcourais les lignes des différents dossiers que j’avais sous les yeux. Soufflant légèrement sur le liquide avant d’en boire une gorge, j’ai fini par déposer ma tasse sur le bureau. J’étais de sortie aujourd’hui. En effet, ma mission du jour était d’observer les enfants de la crèche pour y déceler des signes d’éventuels problèmes familiaux ou autre trouble du comportement. Bien entendu, si j’étais amenée à me déplacer ici c’est parce que les puéricultrices émettaient quelques doute quant à un enfant en particulier. Néanmoins, quand on sait que plus de deux enfants sur dix vivent de la maltraitance, faire de la prévention ne pouvait pas faire de mal. La porte s’ouvrait et l’une des employés en fit dépasser sa tête. « Mademoiselle Wright, les enfants vont arrivés. », me prévenait-elle avec une certaine délicatesse. Un sourire étirait mes lèvres tandis que je la remerciais d’un simple signe de tête. Refermant les dossiers que j’avais ouvert les uns après les autres. Alors que je m’apprêtais à rassembler tout cela l’un des dernier de la pile attirait mon attention. « Kiara DAWSON », était inscrit en haut à droite du dossier. Ma tête se penchait légèrement de côté intriguée. Si j’avais envie d’ouvrir le dossier pour avoir la réponse à mes questions en une fraction de seconde, les voix enfantines qui commençaient à se multiplier dans le couloir me rappelaient à mes obligations. De toute manière, j’émettais très peu de doute quant à l’identité des parents de cette petite puce. Récupérant l’ensemble des dossiers, je les plaquais contre ma poitrine pour filer rejoindre le personnel de la crèche pour commencer ma journée d’observation…
La journée était passée rapidement et un mal de tête commençait à pointer le bout de son nez. Une journée comme celle-là demandait beaucoup de concentration. Cette donnée ajouter aux bruits et à l’énergie qu’on les enfants à ces âges-là, la migraine qui m’attendait était à prévoir. J’y étais sujette dans les moments de grosse fatigue. Les parents venaient petit à petit récupérer leur bout de chou. Un sourire par ci, un autre par là, j’observais avec attention la manière dont les parents se comportaient avec leur progéniture. Certains semblaient perdre facilement patience quand d’autres paraissaient encore dans l’euphorie du premier enfant. C’est à ce moment là qu’une femme fraichissait la porte. Sa voix douce saluait l’ensemble des personnes présentes en ce moment. « Bonsoir. », lançais-je poliment en même temps que l’une des salariés. C’est quand le seul homme de l’équipe appelait la petite Kiara que je fis le rapprochement. La louloute filait à toute vitesse vers sa maman un large sourire collé aux lèvres. J’avais hésité quelques minutes avant de me lancer. Mon bloc-note contre la poitrine, j’avançais dans sa direction. Mon pull vert bouteille bien trop ample pour ma petite carrure et mon jean noir basique me donnait l’air d’une adolescente en stage de découverte. Mais ça m’était égale, j’étais quelqu’un de simple et ce genre de chose n’avait pas grande importance selon moi. « Bonsoir, vous êtes la maman de Kiara ? », commençais-je avec délicatesse quand bien même une pointe me piquait le cœur. « Je suis Chelsea Wright, assistante sociale. », me présentais-je à la jolie blonde en face de moi. Je n’avais pas vraiment réalisé que cette entrée en matière pourrait faire paniqué la jeune maman quant au pourquoi je venais la voir. D’ailleurs, pourquoi j’avais fait ça ? …

J’ignore pour quelle obscure raison j’avais fais ça. Je n’avais rien d’une demoiselle curieuse et dans le fond les histoires de la famille Dawson ne me regardaient pas. Pourtant, j’avais eu besoin d’y aller, de lui parler. Peut-être que le fait qu’elle soit tout ou en partie responsable de l’absence de Marcus m’y avait poussé. Peut-être qu’au fond de moi j’avais envie de lui dire que tout était de sa faute et qu’elle devait réparer ça pour qu’il revienne. Mais même si c’était pour cette raison que j’avais ressenti le besoin de l’approcher, ce n’était ni le lieu ni le moment pour cela. Sa chevelure blonde et son teint pâle mettait en valeur ses magnifiques yeux verts. Bien que les traits de son visage trahissaient la fatigue de la jeune maman, elle gardait un visage doux et innocent. Pourtant, malgré tout cela, je pouvais sentir mon estomac se nouer de rancœur. J’avais beau me répéter intérieurement que ça ne me concernait pas, je vivais vraiment très mal l’absence de Marcus dans ma vie. Si j’aurais pu émettre encore quelques doutes quant à l’identité de la jeune demoiselle, ces derniers se levaient lorsqu’elle prononçait son prénom. Elle tendait sa main frêle dans ma direction. J’ai mis quelques longues secondes avant de réagir, prise par le débat qui se déroulait actuellement dans mon esprit. Je serrais finalement la douce main de cette dernière. Mes sourcils se fronçaient, à la recherche du problème auxquelles elle pouvait faire allusion. « Un problème ? », répétais-je bêtement essayant toujours de savoir de quoi on parlait. Quelques secondes, c’était encore le temps qu’il m’avait fallut avant de comprendre. Avant même qu’elle n’est eu le temps de me répondre je reprenais, un sourire greffer aux lèvres. «  Oh .. », lâchais-je pour montrer que je venais de saisir. « Non, bien sûr que non. », lui adressais-je pour la rassurée. « Kiara est une petite fille rempli de vie et de ressources. », avouais-je avec le sourire. Mon regard plongé dans celui de Zola, j’étais intérieurement déchirée entre l’idée que je n’avais rien à lui dire et l’envie de lui hurler de ramener son frère à la raison. Mais mon visage ne me trahissait pas, mon regard malicieux et mon sourire qui ne disparaissait pas, aucun moyen pour la jeune Dawson de se rendre compte de ce que je ressentais. J’avais tellement l’habitude de faire passer les autres avant moi que masquer mes émotions n’avait rien de très compliqué pour moi. « Vous en revanche vous avez l’air d’avoir grand besoin de vacances. », admis-je en constatant que les cernes sous ses yeux avait déjà laissé place au valise. Mes pupilles s’arrondissaient en me rendant compte de ce que je venais de dire. « Pas que vous ayez mauvaise mine, juste que la fatigue semble vous peser. », ajoutais-je dans l’espoir de me rattraper, mais je crois que c’était trop tard, ma maladresse venait de frapper à grand coup. Pourtant, elle était une jolie femme, seulement quand la fatigue commençait à prendre de la place dans la vie des gens, il fallait être honnête ça se voyait. « Est-ce que tout va bien ? », demandais-je avec intérêt, si je restais frustrée par l'absence de Marcus, c'était contre ma nature de ne pas tendre la main à quelqu'un qui pourrait en avoir besoin ...

A quelque part, même si j’avais du mal avec le fait qu’elle soit tout ou en partie responsable des décisions de Marcus, je ne pouvais définitivement pas me résoudre à ne pas lui tendre la main. Un sourire illuminait son visage tandis que son regard se posait sur la douce Kiara. L’échange de regard entre la mère et sa fille avait quelque chose d’attendrissant. C’était le genre d’élément qui en disait beaucoup sur la relation entre parents et enfants. Quand bien même ça ne reste que des petits indices de suspicion. On dit que les yeux sont les fenêtres de l’âme et je suis relativement d’accord. La jeune demoiselle s’exprimait, précisant que parfois la vie nous pousse à faire des mauvais choix. Bien entendu la première chose qui me venait à l’esprit était la décision de son frère qui, selon moi en faisait partie. Un sourire étirait mes lèvres lorsqu’elle me précisait que tout allait bien. Sa dernière question fit se rétracter mes pupilles sous la légère pression que cela mettait sur mes épaules. Je n’étais pas certaine que le temps était toujours une donnée déterminante dans les équations de la vie. Après quelques secondes de blancs, j’ai fini par me reprendre, affichant un large sourire. « Oui. Bien entendu. », lui adressais-je pour la rassurer. « En tout cas c’est ce qu’on dit. », ajoutais-je tout en resserrant mes dossiers contre ma poitrine. Réalisant que mon geste trahissait le mal aise que je ressentais à cet instant, j’ai fini par laisser l’une de mes mains venir se perdre dans mes cheveux pour les repousser en arrière. Ma tête se penchait légèrement sur la droite tandis que mon regard se plissait légèrement. « Vous savez, chaque choix à ses motivations. Elles vous semblent peut-être obscures pour l’instant, mais si le temps ne guérit pas tout il nous permet d’apprendre, de comprendre et de changer. » ,ajoutais-je finalement en haussant les épaules. « Enfin à condition de le vouloir bien entendu. », concluais-je. Ca pouvait paraître bateau, mais c’était une chose que j’avais pu constater en côtoyant les personnes vivant des situations difficiles. Quand elles le voulaient vraiment, le temps leur permettait d’évoluer et de se rendre compte de bien des choses. Si mes mots se voulaient rassurant, peut-être qu’au fond de moi, j’osais espérer que c’était ce qui ferait revenir Marcus dans les rues de Melbourne. Peut-être que c’était moi que j’essayais de convaincre bien plus qu’elle. Ce que je ressentais à l’intérieur de mon corps était étrange. Mes muscles étaient crispés et ma gorge nouée par la rancune. Et en même temps, mon cœur se fendait à l’idée de savoir que sa posture n’avait rien de simple. C’est un véritable paradoxe sentimental qui m’envahissait. Voulant à tout prix éviter de laisser transparaître quoi que ce soit, j’ai repris. « En tout cas vous avez une fille adorable. », lui adressais-je comme pour changer de sujet, espérant que mon regard n’est pas trahit le tiraillement qui s’opérait actuellement en moi. Adressant un joli sourire au petit bout de chou qui se tenait à côté de sa maman sage comme une image…

J’aimais mon job. De fait, j’étais réellement intéressée par ce qu’elle traversait, par sa situation. Mais malgré tout, je ne pouvais pas m’empêcher de penser que cette jeune femme était responsable du départ de Marcus. Je ne comprenais pas pourquoi ça me travaillait autant. Après tout, c’était leurs histoires de famille. Et puis, si c’était là le choix de mon ami, je me devais de le respecter. Pourtant, rien ne se passait comme je l’espérais l’ensemble de mon corps était crispé et je me rendais bien compte que je n’arrivais pas à tout camoufler derrière mon joli sourire. C’est lorsqu’elle me posait la question fatidique que je réalisais que je ne contrôlais absolument rien au final. Malgré mon regard arrondi par la surprise et l’angoisse que cette question me faisait ressentir, j’ai arboré un large sourire sans doute un peu pincé en raison de la situation gênante dans laquelle je me trouvais. « Oh, oui tout va bien. », commençais-je d’une voix douce et posée. Je souhaitais à tout prix rester le plus professionnel possible. « Vous savez, c’est difficile de vivre ce genre de journée quand vous avez l’habitude d’être enfermé dans un bureau à recevoir des gens toute la journée. », admettais-je en guise d’excuse. « Du coup, la migraine pointe le bout de son nez. Ce n’est rien. », avouais-je finalement en espérant que cela me permettrait d’éviter le sujet de Marcus le plus longtemps possible. D’autant que, je n’étais pas une grande fanatique des conflits, je préférais la discussion mais je sentais bien que ce sujet-là restait sensible pour moi et je n’étais pas certaine de réussir à contenir la colère que l’absence de Marcus provoquait en moi. Si j’étais quelqu’un de calme qui a tendance à faire passer les autres avant elle, je sentais bien que ce sujet-là restait délicat et pouvais venir à me faire perdre mes moyens. Ce qui, au passage n’avait rien de logique pour moi, mais ça c’était une autre histoire. Mon regard devenait à nouveau interrogatif. « Dites-moi, comment à réagit votre famille à l’arrivé de Kiara ? », demandais-je plus ou moins innocemment. « Je veux dire, vous m’avez l’air toute jeune et parfois il est difficile pour la famille d’accepter ce genre de situation. », ajoutais-je comme pour justifier ma question. Nous ne devions pas avoir énormément d’années d’écart. Pourtant, je me rendais bien compte que j’étais son ainée. Et vu mon jeune âge, j’imaginais que ça n’avait pas dû être simple, ne serait-ce que pour ses parents, d’accepter sa grossesse. Et au vu de la réaction de son frère, j’ose imaginer que cette nouvelle devait avoir apporté beaucoup de bonheur mais également de choc émotionnel. Je me reculais d’un pas pour avoir le dos collé contre le mur derrière moi avant de l’écouter me répondre avec une attention. SI ce petit geste me permettait d’avoir l’air un peu plus à l’aise, j’osais espérer que ça me donnerait également l’air un peu plus confiante dans cette conversation qui me poussait à marcher sur des œufs….

J’ignore si je devais parler de colère ou de contrariété. Toujours est-il que ce que je ressentais n’avait rien de positif. Finalement, je crois que même si on me le demandait, je ne saurais pas dire ce que je pensais réellement de la situation. Mon côté professionnel me disait qu’elle était une femme courageuse qui ne s’accrochait malgré sa situation qui devait être compliqué par moment. En revanche mon côté personnel me disait qu’elle était responsable de l’éloignement de Marcus. J’étais donc partagée. Malgré cela, le contexte voulait qu’on se rencontre dans mon temps de travail, je me devais donc de rester impartiale et neutre par rapport à tout ça. Ce n’était pas la première fois que j’étais contrainte à faire abstraction de mon attachement émotionnel dans le cadre de mon emploi. Mais je crois qu’aujourd’hui c’était bien plus difficile que d’habitude. Zola me racontait brièvement son histoire, précisant que si ses parents avaient eu du mal aujourd’hui la famille restait soudée face à la situation. Toute la famille ? Vraiment ? Je crois avoir retenu un rictus nerveux, face à ce que je voyais comme une omission de vérité. Peut-être qu’elle ne voulait pas l’admettre, c’est difficile d’accepter qu’une famille qui a l’air unie souffre des situations des uns et des autres. Un sourire étirait mes lèvres malgré tout. « Voilà une bonne nouvelle. », lançais-je avec une certaine franchise. « Vous n’imaginez pas le nombre de famille qui vole en éclat pour ce genre de chose. », ajoutais-je en haussant les épaules. « C’est important d’être entourée dans cette situation. », concluais-je avec mon sourire toujours scotcher aux lèvres. Sa remarque sur le visage angélique de sa fille ne me fit que sourire plus sincèrement. Je devais admettre que cette petite fille était vraiment attendrissante. Pour l’avoir observée toute la journée, je n’avais pu que constater à quel point elle n’avait rien d’une petite fille qui cherche les limites des adultes. Si ce genre de comportement est souvent étroitement lié à l’adolescence, l’enfant dès son plus jeune âge passe par une phase de recherche de cadre. De fait, il a tendance à chercher les limites que lui pose l’adulte. Mais je n’avais pas l’impression que Kiara soit dans cet état d’esprit pour le moment. Elle terminait par admettre n’avoir jamais vu son père agir de cette manière jusqu’à présent. Mon regard se plissait, accompagnant mon large sourire. « Il est vrai que le rôle de parents n’a rien à voir avec celui des grands-parents. », lui adressais-je avec sincérité. « Les parents représentent l’autorité, le cadre et les limites. Les grands-parents ont plus souvent tendance à laisser certaines choses passées, à être dans l’amusement. C’est normal après tout, chacun son tour d’être dans l’éducation. », précisais-je. C’était un schéma classique, les grands-parents c’était le petit biscuit qu’on réclame alors que ce n’est pas l’heure, le rire quand on fait une bêtise, … Alors que les parents c’était les limites, le cadre et le respect des règles…

Nos échanges n’avaient rien de houleux. Malgré le sentiment d’abandon que je ressentais et le fait qu’elle y soit pour quelque chose, je parvenais malgré tout à rester plus ou moins neutre. Il faut dire que le cadre professionnel me poussait également à faire des efforts. Je n’avais pas réellement envie de perdre mon job pour une histoire de famille. Qui plus est, qui n’était pas la mienne. Je l’écoutais avec une certaine attention. La curiosité était loin de faire partie de mes défauts. Mais je crois que cette discussion avait permis à ma passion pour mon métier de prendre le dessus sur le reste. Sa situation n’avait rien de simple et Zola m’avait l’air d’être typiquement le genre de personne à qui je tendrais la main sans le moindre mal pour l’aider à s’en sortir. Mais il y avait Marcus dans l’équation et sans que je ne m’en sois vraiment rendu compte ça changeait pas mal de chose à l’histoire de cette rencontre. Adossée au mur, je lui exposais les théories des liens parents enfants. Evidemment, ça ne restait que de la théorie. Plusieurs facteurs pouvais entrer en compte et biaiser l’idée. Mais comme tout le monde j’osais espérer que tout se passe bien dans le meilleur monde possible. Sa remarque me fit sourire. J’en concluais que son père était de ce parent un peu rustre ou bien plus effacé. Bien loin de moi l’idée de juger son paternel, j’essayais simplement de trouver des liens entre ce qu’elle m’exposait et ce que pouvait être la réalité des choses. Une déformation professionnelle sans doute. Etant toujours obligée de tout décortiquée, j’étais habituée à utiliser ce que l’on m’expliquait pour me faire une idée des diverses situations. Et encore, là était toute la subtilité du métier. Je me devais de faire un tri entre les informations que l’on me donnait, tout n’était pas toujours bon à prendre. Sa question me surprenait. Déjà parce que j’étais loin de m’imaginer qu’elle pouvait avoir envie de poser une question à une assistante sociale sortit de nulle part. Mais également parce que je m’imaginais assez mal allez raconter quoi que ce soit. J’avais des défauts, mais le côté commère n’en faisait pas partie. « Bien sûre. », lui adressais d’une voix douce. « Je suis tenue au secret professionnel. », ajoutais-je pour la rassurer. « Et puis surtout, chaque personne à son histoire, c’est à elle de la faire connaître comme bon lui semble. », terminais-je par conclure. Après tout, c’était la vérité. Je n’étais pas en mesure de décider pour elle ce qui devait ou ne devait pas être dit sur sa situation. L’espace d’un instant je me mettais à sa place et j’accepterais moyennement confier des choses à quelqu’un pour qu’ensuite les informations soient colportées ici et là. Quand à ma place dans la vie de Marcus, même si j’appréciais énormément le jeune Dawson, je n’avais pas à me mêler de leur histoire de famille. D’ailleurs, c’était loin d’être mon but, la seule chose qui me concernait dans tout ça c’est la disparition brutale de son frère dans ma vie…

Le silence avait pris le dessus. Quelques longues secondes étaient passées avant qu’elle ne demande si elle pouvait me poser une question. Evidemment, je n’avais pas hésité à répondre favorablement à sa demande. La jeune femme me proposait d’aller ailleurs. J’aurais du réagir tout de suite, l’entrée de la crèche ce n’est pas vraiment l’endroit idéale pour déballer des choses sur soi. Je décollais mon dos soudainement du mur auquel je m’étais appuyée. Ouvrant les yeux comme si je venais de réalisé que j’avais manqué à mon professionnalisme. « Oh. Oui, évidemment. », lui adressais-je avec un sourire pincé. Je lui indiquais le fond du couloir d’un signe de la main pour l’inviter à y avancer. « Après vous. Dernière porte sur la droite. », précisais-je en lui emboitant le pas. Je la suivais ainsi jusqu’à la dites porte avant de passer devant elle pour la lui ouvrir. « Installez-vous, je vous en pris. », lui adressais-je en désignant la chaise libre tandis que je regagnais la mienne. Je déposais les dossiers que j’avais entre les mains au bout du bureau avant de débarrasser les quelques feuilles de brouillon que j’avais laissé trainer. Un nouveau sourire étirait mes lèvres tandis que mon regard se posait sur la demoiselle. « Ici nous ne devrions pas être dérangée. », lui lançais-je après avoir fait de mon bureau provisoire un espace plus claire. « Et évidemment, ce qui est dit ici, reste ici. », assurais-je avec un sourire que je voulais rassurant. Encore une fois ce n’était pas mon genre de parler de mes bénéficiaires en dehors de nos réunions pluridisciplinaires. D’ailleurs, je me voyais assez mal allez voir Marcus en lui déballant les informations sur la vie de sa sœur que lui-même n’a pas en sa possession.  Mes avant bras se posaient contre la surface du meuble qui nous séparait. « Je vous écoute. », concluais-je en observant la demoiselle l’air calme et décontractée. Je n’avais réellement aucune mauvaise intention, oubliant presque l’espace d’un instant qu’elle faisait partie de la famille de mon ami. Je prenais ma profession d’assistante sociale très à cœur. J’aimais beaucoup donner de ma personne et de mon temps pour les autres. Pour les aides, les orienter et les conseillers. J’ignore si je cherchais à combler quelque chose mais j’appréciais réellement mon métier. Si mon sourire était bien présent à mes lèvres, je ne sais pas combien de temps il allait y rester. Et si elle venait à me parler de Marcus ? De son départ ? Est-ce que j’arriverais à garder mon calme ? Un tas d’idées qui venaient se bousculer dans mon esprit, laissant place à un sourire de plus en plus crispé sur mon visage …

Installée au bureau que l’on me prêtait pour la journée, je regardais la demoiselle prête à entendre ce qu’elle allait me dire. Mes pupilles s’arrondissaient devant la bombe qu’elle venait de lâcher. Apparemment, le papa de la petite Kiara ignorait tout de son devoir parental. Une donnée que je ne possédait pas. Ceci dit, ça expliquait que le dit papa ne fasse pas part de la nouvelle à son ami, que dis-je son meilleur ami Marcus. Je pinçais légèrement mes lèvres entre elles en guise de réaction à ce qu’elle avouait. Décollant légèrement mon dos de la chaise, je m’avançais vers le bureau pour prendre une posture plus impliquée. « En effet. Dans la mesure où vous faites le choix à sa place, il est surement temps d’envisager qu’il puisse donner son avis sur la situation. », admis-je sans trop de filtre. J’allais paraître rude mais quand bien même il venait à décider de ne pas vouloir de Kiara dans sa vie, ce choix lui revenait. Je me devais de rester neutre mais dans ce genre de situation, on privait son enfant d’une potentiel présence paternel sans que le père ne refuse l'enfant. Je ne pouvais pas en vouloir à Zola, car j’ignorais comment je pourrais réagir à sa place. Néanmoins je me devais de lui rappeler que chacun disposait au libre arbitre et ce que je venais d’essayer de lui faire comprendre. Sa seconde remarque, semblait être une question qui la perturbait et à juste titre. Perdre la garde d’un enfant, revenait à perdre un organe vital, un bout de soi. De fait, je comprenais sa crainte. « Et bien je vais me montrer franche.. », commençais-je en la regardant dans les yeux. « Dans la mesure où, le père ne déclare pas l'enfant il ne dispose d'aucune autorité parentale. De fait, il ne peut pas vous retirer la garde de votre fille. », ajoutais-je d'une voix plate qui trahissait mon désaccord avec cette loi -dans certain cas-.« Mais cela signifie également que vous vivrez avec cela sur la conscience. », concluais-je pour lui rappeler les difficultés que cette décision pouvait apporter dans une vie. « Un parent doit savoir. C'est son choix d'accepter où non son rôle. », terminais-je par dire avec une touche de compassion dans la voix. Je me voulais douce est rassurante malgré la situation délicate et les mots durs que j'employais...

Mes coudes se posaient sur le bord du bureau tandis que mes  doigts s’entremêlaient avant de se glisser devant ma bouche. Mon buste se penchait vers l’avant, une posture qui trahissait tout l’intérêt que j’avais pour ce qu’elle était entrain de me confier. La jeune maman m’expliquait que pour elle, le silence avait paru être la solution la plus adaptée sur le moment mais elle semblait actuellement vivre dans la peur et le regret. Tout du moins, c’est ce que me laissait penser son discours. « J’imagine que prendre les bonnes décisions demande parfois du temps. », admis-je en laissant mes mains descendre jusqu’à se poser paume contre le bureau. La remarque qui suivait me fit hausser un sourcil. En fait, Zola vivait réellement dans la crainte et j’ignore si c’est pour cette raison qu’elle à tarder à parler de tous ces secrets mais actuellement, ça la rongeait surement, aussi forte soit elle. « Eh bien, soyez rassurée. », commençais-je en haussant les épaules. « Le père de votre fille ne pourra rien faire. », lâchais-je d’une manière peut-être un peu brutale. « Kiara n’a pas été reconnue par son père et comme vous le savez surement, si un père n’a pas de délais pour reconnaître son enfant, plus il met de temps et moins il a de chance d’avoir droit à l’autorité parentale. », expliquais-je aussi neutre que possible, quand bien même je trouvais cela anormale dans certain cas. J’étais là pour appliquer les procédures pas les approuver. « Votre fille à plus d’un an, alors le seul moyen que son père est pour vous la retirer c’est de passer par un tribunal. », avouais-je avant de m’adosser à ma chaise un peu désinvolte. Dans ce cas précis, le père n’avait pas refusé l’enfant de lui-même et ça me révoltait de savoir que malgré cela, il allait devoir se battre pour qu’il puisse avoir pleinement son rôle de papa s’il le souhaite. Tout comme je trouvais inadmissible qu’un père refuse son statut de père. Après tout, il faut être deux pour faire un enfant. Enfin, malgré ma posture, je tentais de contenir mon agacement en lui adressant un léger sourire. « Alors je pense que tout ce que vous risquez actuellement, c’est qu’il vous en veuille. », ajoutais-je avant de m’avancer à nouveau vers Zola, plantant mon regard dans le sien. « La vraie question c’est de savoir si vous êtes prête à accepter qu’on soit en colère contre vous pour un choix qui vous semblait être le bon. », lui adressais-je le regard rivé sur le sien. Peut-être que je la sondais. Peut-être aussi que je voulais me montrer dure avec elle, après tout c’était quand même sa faute si Marcus avait filé à l’anglaise …

J’attrapais un stylo, pour le faire vagabonder entre mes doigts. C’était une bonne chose qu’elle admette que le père de sa fille est des droits. Dans ce genre de situation, il n’était pas rare que la personne refuse catégoriquement d’accepter que l’autre parent est un rôle vis-à-vis de l’enfant. Quand bien même j’avais l’impression que Zola n’était pas ce genre de personne étroite d’esprit qui n’admet pas avoir tort, on ne savait jamais vraiment qui on avait en face de nous. Dans le milieu sociale, certaine personne cache leur vraie personnalité, pour diverses raisons : la honte, l’instinct de survie ou tout simplement le paraitre. Mais encore une fois, j’imaginais mal Zola faire partie de ces personnes. Elle avait l’air douce, bienveillante et, bien que fatiguée, elle semblait avoir la tête sur les épaules. Mais mon avis était surement biaisé par le fait que j’étais proche de Marcus. « C’est bien de l’admettre. Mais vous savez, tout le monde ne réagit pas de la même manière. Certaine personne sont dotées d’une grande capacité de compréhension. », lui adressais-je comme un compliment. Dans un sens, ça me faisait un peu mal de l’admettre sans doute parce que j’avais vu mon meilleur ami se volatiliser sans une explication par sa faute. Cette seule idée, me fit adopter une posture qui trahissait ma contrariété. « Alors il ne vous reste plus qu’à aller de l’avant. », ajoutais-je avec un sourire. « Je pense sincèrement que vous faites le meilleure choix possible pour votre fille. Après tout, vous n’êtes pas obligé de la mêler tout de suite à tout cela. Commencer par discuter entre adultes, ça vous permettra de prendre la température et d’aviser en suite. », concluais-je en reposant mon stylo sur le bureau, pensant sincèrement que c’était la solution la plus adaptée. « Aviez-vous d'autres inquiétudes ? », demandais-je en voyant l'heure tourner.

Un sourire étirait mes lèvres, ravie d’avoir pu l’aider à y voir plus claire malgré tout. Dans le fond, c’était un peu une fierté pour moi. Je venais de me prouver à moi-même que j’étais capable de faire la distinction entre le privé et le professionnel et ce, même quand ça concernait Marcus. Si ça n’a l’air de rien, cela représentait une grande victoire à mes yeux. J’acquiesçais sa remarque, l’idée de laisser Kiara en dehors de tout ça le temps que tout le monde retrouve un peu se place dans toute cette histoire me semblait être une bonne méthode pour gérer les choses au mieux. Zola allait sans grand doute se heurter à une situation un peu explosive dans les prochains temps, alors ajouter une enfant un peu perturbée par un changement brutal ne serait que se tirer une balle dans le pied. Zola se reprenait, corrigeant le terme « détail » qu’elle avait employé. Un réflexe que j’interprétais comme une marche arrière de peur d’avoir fait une erreur qui lui couterait cher. Ma tête se penchait légèrement sur la droite. « Je vous suggère ne pas trop tarder. », lui avouais-je en plantant mon regard dans le sien. « Vous m’avez l’air perdue et vous avez grand besoin de pouvoir relâcher la pression, d’arrêter de marcher sur des œufs en permanence. », ajoutais-je comme pour compléter ma remarque qui pourrait paraître un peu abrupte. A force de discussion, le temps avait fini par passé. Je me permettais de lui demander si elle avait d’autres inquiétudes afin de lui permettre de vider son sac au maximum avant que nous ne soyons rappeler à l’ordre par les employés qui voulaient sans doute terminer leur journée. Sa remarque me fit sourire. Pinçant mes lèvres entre elles, je secouais doucement la tête de droite à gauche. « Personne ne me fait perdre mon temps. Je suis là pour ce genre de chose. », lui adressais-je pour la rassurer. « Ecouter les gens et les accompagner de la meilleure des manières, c’est mon métier. », ajoutais-je avant d’attraper mon sac à main y plongeant ma main. « Seulement, si je ne compte pas les heures, je ne suis pas certaine que ce soit le cas de tout le monde. », terminais-je avec un large sourire en faisait référence aux personnes qui travaillaient pour la crèche. « Tenez. N’hésitez pas à venir me voir si vous en ressentez le besoin. », concluais-je en lui tendant ma carte de visite afin qu’elle ne se sente pas encore une fois lâchée au milieu de la nature avec ses soucis…