« Tous ces matins où j’embrassais ma mère
café au lait et croquants
quand le soleil embrasait l’ciel... »

Je m’étais levé tôt ce matin là. D’ailleurs, ça r’ssemblait presque à une promenade nocturne pour un type comme moi, qui préférait bien plus dormir le jour et vivre la nuit. Savez c’que c’est : l’inspi vient à l’heure où tout est calme. Où tout le monde dort, sauf le cerveau du créatif : lui, est en pleine explosion.

Pourtant, y’avait cette part de moi qui voulait faire comme tout le monde. Comme tout le monde, ici, revenait à dire : vivre le jour, dormir la nuit. Et pour ne pas m’épuiser de trop, j’avais décidé d’reprendre un rythme plus ou moins normal… un rythme sain de type responsable.

7h. J’ouvrais les yeux encore embués de sommeil. Pour une fois en avance, je rêvassais sur mon balcon, café à la main, tirant sur mon bâtonnet de nicotine qui m’faisait m’rappeler que l’mélange café clope, y’avait rien de tel pour s’réveiller. Enfin, j’avais pris la route jusqu’à l’atelier, un peu plus réveillé.

8h. J’avais flanqué mon skate dans un coin, branché mes enceintes qui crachaient ce rap que j’écoutais depuis l’adolescence. La journée commençait. Je laissais libre court à mon imagination pour les prochaines heures.

« décoller de la casa, mes shoes embrassaient le sol
en mistral, j’ai grimpé la côte...»

Le temps s’était arrêté, à l’inverse de mon cerveau qu’avait turbiné toute la journée. J’avais l’impression que seulement deux petites heures s’étaient écoulées depuis mon arrivée, mais la nuit tombant me laissait deviner le contraire : il était temps pour moi de rebrousser chemin. Rapidement, j’avais rangé, mis à sécher mes sérigraphies sur leur clé de séchage et rangé mes encres bien au sec. Tout était sous contrôle, il était temps pour moi de retrouver Jumbo : il devait mourir de faim.

« ...casque calé sur les oreilles, du rap dans les veines
j’vivais rien que pour le weekend »

Je tirais une dernière fois sur ma cigarette, lancée négligement dans le caniveau. Mon skate laissé sous le porche devant ma porte, j’suis rentré. La maison était calme. Trop calme. J’ai appelé Jumbo. Rien. Rappelé plus fort. Toujours rien. Paniqué, j’ai fait le tour du propriétaire, constatant médusé que je n’avais pas fermé la porte de derrière avant de partir… Là, j’ai couru à l’extérieur, commençant à faire le tour du quartier, regardant partout… sauf devant moi. C’est sans doute ainsi que j’ai fini par bousculer cette jeune femme… gêné, j’ai grimacé, lui tendant la main :

- Merde… j’suis désolé… est-ce que ça va ?