Allongée sur ton lit dans, tu pleures, comme chaque jour ou presque depuis désormais trois mois. Ce sont tes changements d'humeur qui t'ont mise sur la voie de ta grossesse, même s'il t'a fallu un bon moins pour accepter de prendre rendez-vous à l'hôpital. D'ordinaire, tu as conscience que les hormones t'influencent. D'ailleurs, habituellement, une fois dans le mois pendant presque une semaine, tu deviens plus insupportable que jamais, tu pourrais lâcher les fauves sur tes meilleurs amis si c'était possible. Le fait d'échapper à ce moment gênant depuis quatre mois ne t'a pourtant absolument pas perturbée. Cependant, tes sautes d'humeur sont plus fréquentes et tu détestes tout le monde avant de, la seconde suivante, les aimer plus que tout. Ton père, ça l'a d'abord fait sourire. Il était content de te voir "changer et penser davantage aux autres", même si ta mère s'inquiétait plus de la partie "je déteste tout le monde". Une fois que ta grossesse est devenue publique et que ton ventre a été incapable à flouter, les choses en changer. Tu ne leur a jamais caché que tu étais enceinte, à vrai dire. Mais tu ne le leur a pas dit pour autant. Quand ta prise de poids et ton ventre arrondit ont été une évidence et qu'on te l'a demandé, tu as simplement dit ce qui était. Pas une vérité, pas un mensonge. Ou alors par omission, mais dès le début, si tu l'avais pu, tu leur aurait hurlé que tu portais la vie. Ils t'auraient forcé à avorter. Et toi, tu n'en as pas envie. Le père de ce bout de chou ? T'as beau ne pas vraiment en avoir le droit, tu en es amoureuse. Et tu te fous complètement de ce que tu as le droit ou non de faire. Personne ne pourra ni t'enlever tes sentiments ni t'enlever ton bébé. Enfin, du moins, tu ne l'envisages pas, même si tu sais très bien que tes parents n'hésiteront pas s'ils décident ne pas vouloir l'élever, et... quelque part, Alexis aussi, il aura des droits. Ce qui te fait frissonner, c'est de réaliser que, par alliance, sa femme aussi... Sasha... Tu ne la détestes pas. Mais tu ne l'aimes pas non plus pour autant. Elle fait obstacle, elle t'empêche d'être avec ton grand amour. Si jamais l'on peut qualifier Alexis de tel.
Tu as beau essayer de faire avec, cette situation ne te convient pas. Tu as beau te montrer gentille avec Sasha alors que tu n'as qu'une seule envie, l'exclure de ta vie et de celle d'Alexis, tu sais très bien que tu ne le peux pas. Alors tu rumines encore et encore. Tu sais très bien que tout ça pourrait détruire leur couple mais aussi leur réputation... pourtant tu t'y empêches. Sans doute parce que tu es vraiment amoureuse... ou trop faible pour aller jusqu'au bout, ce qui est bien davantage possible. Car lorsque c'est ton coeur qui pense et non plus ta tête, tu es capable de tout... absolument tout. Cette pensée raisonne dans ta tête et tu te lèves brutalement. Tu sèches tes larmes et tu passe un t-shirt convenable et non pas tâché par tes larmes et le chocolat que tu t'enfiles jour après jour pour te remonter le moral lorsque ce sont tes hormones qui te domptent. Tu n'as plus vraiment d'amour propre quand tu es dans ta chambre, mais dès que tu en sors, c'est une autre histoire. La Rosa que tout le monde connaît ressort et tu es presque davantage peste encore que ce que tu en as l'habitude. Seuls à y échapper, Dylan et Mary, les "progénitures" d'employées des Camões, comme les définit si bien ton très cher paternel qui n'a que très peu de considération pour les deux jeunes gens et encore moins pour leurs parents. Toi, tu te fiches bien de qui te nourrit et qui nettoie ta chambre, mais tu t'entends très bien avec presque tous les gens sous les ordres de ton père et tout aussi bien avec leurs enfants. Bon, pas tous, certains sont trop vieux, d'autres trop jeunes et ils n'ont pas la même importance dans ta vie que Mary et Dylan, c'est certain. Mais tu les respectes. Après tout, ce sont des personnes dotées de sentiments qui font le sale boulot dans cette immense demeure et, pour certains, dans les affaires tout sauf clean de ton père. Parfois, tu compatis pour eux. Mais t'es aussi bien contente de ne pas être à leur place, avoir les mains sales, que ce soit littéralement ou au figuré, ça te répugne. Tu préfères avoir la conscience aussi tranquille que possible. Même si savoir pour les affaires de ton père ne fait pas de toi la personne la plus tranquille qui soit.
Après t'être habillée, tu ne réfléchis pas davantage. Tu descends les escaliers qui séparent ta chambre de la porte. Peu importe le regard de Mary, qui siégeait au salon avec sa mère, interrogatif comme jamais. Faut dire que tu marches vite d'un pas un  peu trop décidé. Alors que, quelque part, même toi tu n'es pas certaine de l'impulsion qui te guide. Elle te mènera certainement droit dans le mur, mais tu es prête à prendre le risque. Tu n'es pas quelqu'un de faible, même si tu aimes à le penser en ce moment, et tu es prête à faire n'importe quoi par amour. Même des choses complètement dingue. Et tu ferais n'importe quoi pour récupérer Alexis, qu'il soit tien et peu importe Sasha. Même ton hypocrisie avec elle, être sympa alors que tu n'as qu'une seule envie, lui montrer que t'en as rien à foutre qu'elle soit dans l'équation, tu es prête à la mettre de côté. La pauvre n'a rien demandé, mais t'es pas non plus un ange, tout le monde le saurait sinon. Non, les gens qui connaissent vraiment la vraie Rosa savent très bien qu'elle ne fait de cadeau à personne, sauf à elle-même. T'as pas honte. C'est exactement qui tu es.
C'est pour cette raison que, convaincue que tu agis pour ton bien, tu te retrouves devant la porte du couple. Ils vont peut-être t'envoyer chier, peut-être pas. Mais ce que tu sais, c'est que qui ne tente rien à rien. Et ça ne sert pas de se laisser abattre. Alors tu tapes à la porte, arrangeant légèrement tes cheveux que tu as oubliés de coiffer au moment de partir, avant que l'on ne vienne t'ouvrir.


@Sasha Dawson;@Alexis Dawson

   

Tu te retrouves là et ta volonté commence à vriller. Tu n'es pas certaine que c'est une bonne idée de frapper à leur porte, mais c'est trop tard. Tu as déjà appuyé sur leur sonnette, il n'y a pas de retour en arrière possible. Entre le léger vent et l'envie de faire demi tour, tu trembles. Tu sais que tu n'aurais pas dû. Tu chamboules suffisamment leur vie de couple et, même si tu n'as aucune vergogne à draguer ouvertement Alexis, tu n'as pas envie d'être une verrue qui refuse de disparaître. Paradoxe ultime, tu n'as pas envie de disparaître pour autant. Alexis, tu l'aimes, et même si tu n'as rien contre Sasha, que tu fais tout pour être gentille - même à tort et avec hypocrisie - devant elle, tu n'es pas prête à renoncer à lui. Tu donnerais n'importe quoi pour que de vous deux, ce soit toi qu'il choisisse. Toi et ton bébé. Votre bébé. Pas celui de sa femme. Ils t'ouvrent la porte à deux. Tu te maudis. Tu te maudis parce que ton cœur s'élance à toute allure : d'un côté parce que tes yeux ont immédiatement aperçu Alexis, d'un autre parce que Sasha est là, et qu'elle te regarde comme si elle rêvait de t'assassiner. Tu n'as pas peur d'elle. Clairement pas. Mais tu réalises le mal que tu lui fais, même si tu ne t'en sens pas plus coupable. Et, quelque part, tu te mets un peu à sa place : à sa place ?! tu n'apprécierait pas du tout. Et tu serais l'ennemie.
Tu adresses un immense sourire à Alexis. Quelque part, même si sa femme est là, tu es bien heureuse de le voir. Dit autrement, tu as du baume au cœur après tes larmes si difficiles à sécher. Avec le regard qu'elle te lance, tu fronces les sourcils en regardant Sasha. Touché et coulé ! Mais tu n'es pas le genre de femme à te laisser couler si aisément. Enfin, "jeune femme" serait le plus exact. Tu as beau être majeure, tu es à peine une adulte. Tu te retiens d'aller lui piquer son verre d'eau et de lui lancer un magnifique "merci beaucoup de m'avoir proposé", mais tu te retiens. Tu n'es pas là pour lancer les hostilités. Ou plutôt, pour lancer ces hostilités-là. Parce que, pour le reste, c'est précisément la raison de ta venue. Figure-toi que c'est bien plus accueillant chez moi. Et plus lumineux. Tu enterres ta sympathie ? Mes condoléances, t'as peu d'amis pour fêter ça, à ce que je vois. Tu illustres ça d'un coup d'œil autour. Ton regard est froid, ton sourire n'est plus. Tu essaies pourtant toujours d'être gentille en sa présence, mais là, tu n'as pas apprécié. Et tu en as marre de faire des efforts alors qu'elle n'en fait pas, puis surtout que tu n'en as jamais vraiment envie. Autant faire paraître la vérité, non ? Elle ne s'en prive pas après tout.