I. Maman, c'est un mot que tout le monde dit sans même s'en rendre compte. Mais pas toi. Ta mère avait pris la fuite avant même que tu ne saches prononcé ce mot. Tu avais deux ans, un peu moins peut-être quand tu as entendu la porte claquée. Tu n'étais qu'un bébé réveillé en sursaut qui pleurait. Tu étais bien loin de deviner que ta mère venait de disparaitre à jamais. Une énième dispute, celle de trop. Tu n'as jamais vraiment su pourquoi. D'après ton ainé, c'est ta faute, parce que papa soupçonne maman d'avoir un amant, un amant qui serait ton véritable père. Tu n'as jamais su si c'était vrai parce que ton père, c'est ton héros. C'est l'homme de ta vie. Enfin l'un des hommes de ta vie parce que tu en a quatre. Parce que tu es la cadette d'une famille de quatre garçons. II. Tu n'as grandi avec des robes et des paillettes, non, tu as grandi avec une queue de cheval de travers et les mains sales. Parce que ton temps libre, tu le passais au garage de papa. C'était sa seconde maison ou la première, il y passe tellement de temps que tu as de quoi te poser la question. Mais élevé quatre enfants seuls, ça coute cher et pourtant d'autant que tu te souviennes, tu n'as jamais manqué de rien. Sauf de temps avec lui. III. Tu as toujours été assez douée à l'école, tu aimais lire, tu aimais apprendre, tu étais curieuse. Tu avais de grands rêves et puis, tu es devenue adolescente et tu t'es imaginé star de la chanson. Mais en grandissant, tu as compris que la vie n'était pas si simple. Tu as compris qu'il fallait être réaliste. Ton père pourrait mettre son garage en danger pour l'université et tu ne veux pas alors tu lui dit que tu n'as pas envie. Tu lui dis que tu veux être une artiste et il te fait tellement confiance qu'il accepte. Mais la réalité, c'est que tu penses que tu n'as pas assez de talent, alors tu chantes parfois dans ce bar. Et rien. Tu enchaines des petits travails en te disant qu'un jour, tu aurais peut-être l'opportunité. Qui sait ? IV. Tu n'as jamais vraiment été en couple. Durant toute ton adolescence, tu étais plutôt la copine de la jolie fille, celle qui l'aidait à obtenir le numéro d'un garçon ou qui aidait le garçon à s'approcher de la fille. Celle qui tombait amoureuse sans jamais le dire parce que tu étais bien consciente que tu ne savais pas être jolie. Et aujourd'hui encore, tu doutes de toi. Tu sais te faire belle pour une soirée mais se lever tous les matins aux aurores pour avoir un teint parfait, ce n'est pas pour toi. Toi, tu es bien avec ton jean et tes baskets. De toute manière, une fois au travail, tu as ton uniforme et souvent après, tu rejoins ton père au garage. V. Pourtant, il y a ce garçon qui vient souvent avec sa bande d'amis mais surtout avec sa petite amie. Une fille qui ne te ressemble en rien, une fille qui a de l'argent et le montre, autant dans ses tenues que dans la manière qu'elle a de te parler et pourtant si tu savais la vérité.. Tu saurais que tu aurais pu être elle. Elle, elle le sait, elle est bien plus odieuse depuis quelques semaines. Tu te dis que c'est parce que c'est une garce, mais la réalité est bien différente. Elle est toi, enfin elle aurait dû être toi .. Maman avait tort d'accuser papa, le coupable était plus gros .. C'était l'hôpital.