Elle ne devrait pas se sentir rassurée qu'il presse sa cuisse entre ses doigts, pourtant, c'est le cas. Elle est à lui. Ça aussi, ça porte à confusion. Elle ne devrait pas se complaire de ça. Elle devrait se battre pour sa liberté. Mais n'importe qui pourrait succomber sous la protection de quelqu'un. Au fond, est-ce qu'on ne désire pas tous être protégés? Elle est étonnée qu'il ne tente rien dans la voiture. Elle n'imagine pas non plus qu'une lutte se tient dans la tête de l'homme quant à ses intentions. Elle ferme les yeux durant le trajet, se contenant de... lui appartenir. Une fois le trajet terminé, elle se laisse conduire jusqu'à la suite.

À une époque, son appartement lui semblait être grand et confortable, mais cette vision est rapidement chassée par la qualité de cette suite. L'homme est un criminel, c'est un fait, mais elle n'imaginait une telle richesse. Elle vivait dans une petite chambre, dans les sous-sols d'une bâtisse. Loin d'elle l'idée que cet homme soit si important. Elle avait pourtant cette information sous les yeux depuis le début. Les moyens financiers pour la kidnapper, d'avoir une chambre de torture, un salon de danseuses, une poignée d'hommes de main, de multiples filles. Depuis son enlèvement, elle est isolée et bien loin de la réalité. Un mouvement de recul secoue son corps. Son dos percute le torse du mafieux. Tellement habituée à son ancien appartement et à sa petite chambre de sous-sol qu'elle est impressionnée par de décor riche, lumineux, douillet. Soit elle est subjuguée, soit elle est étourdie à cause de l'ascenseur, soit l'émotion retombe. Dans tous les cas, elle met du temps à se ressaisir et se décaler de l'homme pour faire de nouveaux pas dans cette pièce.

« Combien de temps allons-nous rester ici? » Le terme nous étant relatif. Est-ce qu'il restera à ses côtés jusqu'au bout? Combien de temps sera-t-elle à lui, comme il aime si bien le dire? Est-ce qu'il la laissera seule ici? L'homme sera forcément occupé avec le boulot… ou, avec sa vie de famille. Voilà une question qu'elle ne s'était jamais posée puisqu'il ne porte jamais d'alliance. « Pourquoi coucher avec la femme d'Arthur? » Pas " est-ce que vous l'avez fait " ; elle ne ressent plus le doute à ce sujet, elle est persuadée qu'il l'a fait. Elle demande de manière évasive. Autant poser la question pour définitivement clore le sujet Arthur. Elle vient tout naturellement s'asseoir sur un canapé, les cuisses serrées, les paumes jointes. Elle essaie de ne pas trop être intrusive dans cet environnement. Ses pouces massent machinalement ses paumes. Elle est vêtue comme dans un mois de décembre, la climatisation n'aidant pas, et pourtant, elle a froid. La douche chaude lui semble déjà loin. Elle met ça sur le compte de la fatigue. Elle baisse les yeux sur ses doigts. « C'était la première fois qu'on me frappait », avoue-t-elle. Est-ce qu'elle peut vraiment se confier à cet homme?

« Cette pauvre femme avait besoin de connaître le 7ème ciel. Exactement comme toi tu en as besoin. » Perçoit-il vraiment ce qu'elle ne perçoit pas? Il reste debout, elle se questionne, mais elle n'arrive même pas à le contredire. Est-ce vraiment ce qu'elle désire, atteindre ce sommet tant convoité? La femme d'Arthur a cherché d'elle-même les bras de ce Lorenzo. Tree n'a pas besoin de demander, Tree est à ses côtés plusieurs heures par jour. Est-ce un avantage ou un désavantage? L'homme est confiant, elle s'en rend bien compte. Il n'a pas entièrement tort. Son corps, il en apprend toujours plus à chaque jour. Même la nuit, elle en rêve, parce que son monde ne tourne qu'autour des désirs de l'homme. Lui, il peut faire autre chose durant ses heures libres, pas elle.

Le temps coule différemment lorsque l'homme quitte la pièce pour aller chercher la trousse de premiers soins dans la salle de bains. Ça crée un vide, le premier vide depuis qu'Arthur est entré dans la chambre. Tree, elle ne peut s'empêcher de suivre l'homme des yeux jusqu'à la dernière seconde, comme si c'était devenu vital. Ce n'est qu'ensuite qu'elle se permet d'observer la pièce dans son ensemble. Elle vivra donc ici le temps que la chambre soit nettoyée et rénovée. Elle va devoir s'habituer à ce luxe... à ces fenêtres, des fenêtres qu'elle lorgne rapidement, comme si elle n'avait pas le droit ou peut-être est-elle un peu éblouie?  

« Il a eu ce qu’il méritait. » L'homme est désormais à ses côtés, près à nettoyer cette lèvre meurtrie. « Merci. » Sans confirmer ses propos, elle le remercie de l'avoir aidée. Dans son sens, Arthur ne méritait pas autant de châtiments corporels. Tree n'est pas familière avec la violence gratuite. Même si elle a été blessée, pour elle, ce n'est pas une raison valable pour torturer quelqu'un. Néanmoins, elle est reconnaissante d'avoir été sauvée. Elle n'aurait pas supporté être souillée ou blessée davantage. Parce que le petit bout de femme qu'elle est pense encore qu'elle reverra un jour sa famille. Mais pour ça, elle doit être en vie. Elle laisse donc l'homme s'occuper de sa lèvre, calme. Le désinfectant l'oblige parfois à fermer les yeux, mais la douleur se dissipe ensuite, ne laissant qu'une sensation de palpitation. Elle est même rassurée qu'il ne la touche pas avec brusquerie.

« Je m'en remettrai. » Elle parle des hématomes qui recouvrent son corps, ces mêmes blessures qu'elle souhaite déjà voir disparaître, qu'elle s'encourage à surpasser. Redoute-t-il qu'elle ne soit plus fonctionnelle? À un moment, elle aurait prié pour que ce soit le cas et qu'il la jette. Elle ne veut pas assumer que c'est douloureux, mais plus les minutes passent, moins elle arrive à se changer les idées. Elle garde la tête haute, mais elle n'assimile pas complètement l'étendue des dégâts. Elle préfère néanmoins dire à l'homme que tout ira bien pour que son impatience ne se transforme en colère à son égard. « Pouvez-vous me prendre dans vos bras? » La question peut paraître banale, mais malgré qu'elle soit forte, elle manque cruellement de chaleur présentement.