I. Premier cri, première déception. Une voix bien trop aigue pour être celle du petit garçon que ton père voulait. Un visage bien trop doux pour être celui d'un héritier digne de ce nom. Et pourtant, il voit vite ce qui deviendra ton arme avec les années : ton sourire, ton charme. Tu vas charmer le roi des Serpents, ce père souvent absent parce qu'il a des obligations que tu ne comprendras jamais. Tu grandi dans un nuage de fumer, celle des cigarettes mais surtout celle de la vérité sur ton père que tu vois comme un homme honnête.
II. Tu as dix ans quand tu commences à comprendre. Quand il commence à comprendre qu'il n'y aura pas d'autres enfants, pas d'autres héritiers que toi parce que maman est partie. Un coup de feu, une balle perdue, le fruits du hasard pour les flics mais pas pour ton père. Qui tire au hasard dans un super marché sur la femme d'un chef de gang ? Il y voit de la provocation et maintenant qu'il n'y a plus que papa et toi, il lève petit à petit le voile sur ses secrets.
III. Tu grandis dans ce cas, ce repère à vermines. Tu y passes tes soirées d'enfance, le nez dans des livres, assise dans un coin de la salle à observer. En sécurité mais l'oeil attentif sur ce qui t'entoure. Tu comprends avant même d'avoir l'âge ce qu'il se passe ici. Tu comprends que les serpents sur les blousons ne sont pas ceux d'une association de motards banal. Tu comprends qu'il y a des secrets qu'on ne te dira pas.
IV. Adolescente rebelle, tu renies ton père, tu renies son bar et ses valeurs. Tu claques la porte plusieurs fois, plusieurs jours et puis finalement tu rentres à la maison, toujours. Parce que tu n'as que lui, parce que vous êtes seule. Tu as seize ans quand il te parle de tout cela. Quand il te dit qui il est dans ce fameux groupe et ce qu'il s'y passe vraiment. Quand il te dit que c'est ton héritage et que c'est pour cela qu'il t'a forgé de cette manière. Quand tu comprends que c'est pour cela que tu es si différente des autres, pas de robes, pas de jupes, pas de maquillage, non. Toi, on t'offres des couteaux et des cours de self-defense. Pourtant, il t'aime, tu le sais mais tu es bien trop jeune pour comprendre l'enjeux. Pour comprendre que ta vie pourrait vraiment être en danger.
V. Tu as besoin d'une pause, besoin de recul et c'est pour cela que tu vas à l'université. Tu y suis des études de droit payé par papa (ou par les Cobras, tu n'as jamais su). Tu testes une vie que tu ne connais pas, une vie loin de Berkeley et de la réputation de ton père. Une vie où tu es celle que tu veux. Une vie où tu tombes amoureuse de James. Etudiant en droit comme toi, amoureux de la vie et des sensations fortes, comme toi. Votre couple traverse les années d'études, vous obtenez vos diplômes et tout s'arrête, subitement.
IV. Un coup du destin ? L'ange de la mort qui veille sur toi ? L'accident de voiture le plus banal du monde. Un chauffard qui grille un feu rouge et votre voiture dans le fossé, tu t'en sors avec quelques semaines de coma et de jolies cicatrices alors que lui ne s'en sort pas. Tu pleures sa mort mais pas longtemps, pas longtemps avant qu'une autre mauvaise nouvelle ne vienne s'abattre sur toi. Ton père est arrêté pour un trafic de drogue dont il ne t'avait jamais parlé. Son avocat commis d'office est un minable et tu le sais, parce que tu sais qu'en ville, personne ne veut aider un gang. Malheureusement, tu n'auras pas eu le temps de revenir le faire. Quelques heures plus tard, ton père était décédé, tué par un autre prisonnier avant même que le procès ne le condamne vraiment.
VI. Tu as trente ans quand tu reviens en ville. Ton père vient de mourir et tu le comprends quand tu foules la porte du bar. Tu y retrouves le chaos, tu y retrouves l'anarchie et tu comprends que la vie ne t'offres que deux choix : reprendre les rennes de son héritage ou les laisser ruiner le travail de ton père. Tu n'hésites pas vraiment. Tu repères ceux qui tentent de tenir le gang, ceux qui te semble les plus fiables et ensemble vous remontez ton héritage.
VII. En trois ans, les choses ont changés. Les Cobras ne touchent plus à la drogue, ils se contentent des courses illégales quand la nuit tombe entre petits travaux, petits services si nécessaire. Tu gères le gang d'une main de fer, jouant de tes charmes et de tes connaissances pour qu'ils évitent la prison. Tu es un vipère, tu joues avec les règles et les nombreuses failles du système. C'est grâce à cela que tu as su gagner le respect dans ce monde d'homme. Grâce à cela que les flics recherchent encore et encore le nouveau chef sans deviner qu'ils t'ont déjà vu des centaines de fois derrière le bar. Parce que dans un monde comme le notre, on ne soupçonne jamais une femme d'être le chef d'un groupe d'hommes.