3 janvier 1978 – la naissance du fils tant attendu : c’est à ce moment là que débute ton histoire, en pleine nuit, seulement deux jours après la nouvelle année. Tu as débarqué sans prévenir, trois semaines avant le terme. Un petit bébé joufflue et souriant. Une petite enfance tranquille et pleine de douceur. Tes parents étaient des gens lambda mais ils t’ont jamais laissé en galère. Il y avait bien pire que toi. Évidemment en gamin dissipé et un peu trop nerveux à l’époque, t’as fais quelques vagues plus jeune. Ta tranquillité et ta gentillesse disparaissaient parfois pour l’impulsivité et la colère. Un peu bagarreur sur les bords, tu t’en es pris des roustes. T’es aussi une vraie pipelette, le moins qu’on puisse dire c’est que tu aimes les nouvelles rencontres et être entouré. Enfin ces derniers temps, la solitude te convient aussi. Tu es sociable depuis tout petit. Même si tu sais que tu ne peux compter que sur toi même, ça ne t’empêche pas de laisser les gens rentrer dans ta vie.

17 novembre 1994 – rencontre avec le diable : Une rencontre banale, sur les bancs du lycée public. Elle avait le nez plongé dans un de tes livres favoris, un classique d’Alexandre Dumas. Tu n’as pas hésité avant d’aller lui parler. Votre histoire s’est faite doucement, mais sûrement. T’es tout de suite tombé amoureux, faut pas se mentir. Tu l’étais tellement qu’elle a un peu fais de toi ce qu’elle a voulu au début. Puis t’as quand même fini par t’imposer avec l’âge et le temps. T’as eu pour elle, ce qu’on appelle communément un coup de foudre, quelque chose de puissant et de fort. Tellement fort qu’avant de partir pour l’armée, tu l’as épousé, à seulement dix huit ans. Tes parents ont jamais su pourquoi tu l’avais choisi elle, cette nana un peu hautaine et parfois manipulatrice. Ils ont toujours fais bonne figure mais ne l’ont jamais apprécié. L’amour rend aveugle apparemment. Votre mariage a duré vingt-deux ans, vous avez eu une fille et un garçon. Mais toutes les histoires ont une fin et la tienne est en train de se terminer dans un bain de sang.

3 septembre 1996 – bienvenue dans l’armée : Ne sachant pas quoi faire de ta vie, tu as décidé de t’engager dans l’armée. Ta mère a failli faire une crise cardiaque quand tu lui as annoncé, ta femme aussi d’ailleurs. Mais tu es quand même parti. Tu ne voyais pas d’autre avenir que celui-là, celui de te battre pour ton pays quitte à mourir sous les balles. Les premiers temps ont été dur, bien plus que tu ne l’avais imaginé. L’éloignement, le manque des tiens, les conditions d’entraînement et de vie, mais tu n’as jamais craqué. Pas une seule fois t’as eu envie de partir, de renoncer. Tu as continué à te battre. Tu n’étais pas la meilleure recrue mais tu avais tes qualités. T’as rapidement pris du grade, en gardant toujours ce mental d’acier. Puis les premiers combats sont arrivés. Après les attentats du 11 septembre 2001, t’as été envoyé en Irak sous les balles et nombreux assauts. T’as laissé dernière toi, parents, femme et enfants sans aucun espoir de retour. Tu t’es vu mourir plus d’un fois, t’as été blessé plus d’une fois. Mais t’a jamais lâché, pas avant d’y être obligé.

5 avril 1998 – naissance d’une princesse : Votre premier enfant est arrivé tôt, t’avais à peine vingt ans, tu étais en plein entraînement quand tu l’as appris. T’étais heureux à ce moment là, toi qui avait toujours voulu fonder une famille. Ta petite princesse est arrivée sans crier gare, sans que tu t’y attendes pour être honnête. Elle est rapidement devenue le centre de tout ton monde. Un vrai papa poule, toujours à la protéger, toujours à assurer ses arrières. C’était de plus en plus compliqué de partir pour la guerre. Tes permissions, tu les attendais comme les gosses attendent Noël. Depuis que ta fille est née, tu as juré de la protéger. Aujourd’hui, sa mère a la garde, elle est étudiante et encore peu stable économiquement pour s’installer seule. Comme toi, elle s’est toujours débrouillée, elle ne veut pas être un poids, même si souvent tu râles après elle car tu veux l’aider. Elle vient souvent te voir, vous êtes très liés.

28 juillet 2000 – naissance du petit prince : Le choix du roi, c’est toi qui l’a eu. Deux ans après la naissance de ta fille, ta femme est à nouveau tombée enceinte, un petit garçon cette fois. Encore une fois, t’as été le gars le plus heureux du monde. Et encore une fois t’as été un véritable papa poule. T’as souvent été maladroit mais t’as toujours fais de ton mieux pour élever et aimer tes gamins. Tu les as toujours soutenu l’un et l’autre, te battant chaque jour pour eux. C’est aussi ce qui t’a fais tenir sur les champs de bataille, l’espoir te retrouver tes petits monstres à chaque permission. C’est aussi ce qui t’a affaiblit parfois, le fait de ne peut être jamais les revoir. Ton petit gars a dix neuf ans aujourd’hui et il se débrouille plutôt bien dans la vie. Lui aussi vit avec ta future ex-femme, mais il vient très souvent. Vous partagez beaucoup de choses ensembles comme par exemple la plongée. Lui, par contre, contrairement à son aîné, il ne rechigne pas pour être aidé.

26 mai 2016 – bye bye l’armée, bonjour l’Australie : Une blessure grave a suffit à te faire partir de l’armée. Lors d’un combat en Syrie, tu as été touché en pleine jambe, plusieurs fois. Tu t’es vu mourir, pour de bon cette fois-ci. Tu as entendu plusieurs détonations, une douleur fulgurante et puis plus rien, le trou noir. Rapidement évacué et rapatrié, tu es resté dans le coma presque deux semaines. A ton réveil, l’on t’a annoncé que tu avais été gravement touché. Jambe immobilisé, tu devrais réapprendre à marcher avec celle-ci. Impossible désormais de retourner dans l’armée. Tu as du prendre ta retraite, de façon forcée. Tu en as voulu au monde entier pendant un moment, l’impression d’être celui qui abandonne. Mais tes enfants t’ont aidé, à remonter la pente doucement. Tu as décidé de changer de vie, de métier et tu as atterri en Australie avec femme et enfants. Tu as du suivre des moins de rééducation et il t’arrive encore aujourd’hui d’avoir mal ou de boiter un peu. Ta femme, elle, a décidé qu’avoir un mari en pleine rééducation était bien trop lassant, elle est allée voir ailleurs. Ça a duré deux ans avant qu’elle ne te mette tout simplement à la porte. Depuis elle te saigne pour récupérer le moindre centime.

octobre 2018 – les problèmes commencent : C’était un soir d’octobre où la pluie tombait sans cesse, l’on y voyait peu, les rues étaient désertes. Devant ta boutique pourtant, un petit bout de femme tentait de se protéger de ce temps maussade. T’as pas eu le courage de la laisser dehors et tu lui as ouvert la porte afin qu’elle soit à l’abri. Si t’avais su. C’est ce soir là que tu as rencontré la jolie Emiliana. Ça fait un an maintenant que vous vous côtoyez. Avec le temps et au fil de vos échanges, tu t’es pris d’affection pour cette gamine, cette petite douceur qu’elle est à chaque fois qu’elle passe le pas de la porte. Elle t’a aidé à savoir quoi faire avec ton ex-femme. Elle t’a écouté, et t’a soutenu. Même si le divorce n’est toujours pas acté, t’as réussi à prendre tes distances, à t’éloigner de ton ex femme grâce aux conseils de Liana. Le problème c’est que tu t’es rapproché d’elle, tu lui portes un peu trop d’affection aujourd’hui. Alors t’as décidé de prendre tes distances, tu te renfermes et tu tentes de l’éloigner. Parce que t’as pas le droit de t’éprendre d’elle, parce qu’elle est beaucoup trop jeune pour toi.

2019 – se battre, encore et toujours : Tu vis dans un quartier assez pauvre de Melbourne. Il n’est pas le plus sûr de la ville mais t’as jamais été emmerdé. T’es quelqu’un de respecter là-bas, d’abord parce que tout le monde sait qui tu étais avant d’être le petit libraire, ensuite parce que tu en imposes de part ton mental d’acier et enfin parce qu’il ne vaut mieux pas t’énerver malgré tout. Tu te plais dans ce petit quartier, tu as un appartement pas trop mal, plutôt bien même, de quoi manger tous les jours. Tu ne vis pas comme un roi mais tu vis comme tu l’entends et c’est amplement suffisant.

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