L’une des écoles de danse de Berkeley cherchait une nouvelle recrue pour donner des cours d’initiation à des enfants. C’est tout naturellement que j’avais postulé, allier passion et emploi me semblait être une bonne démarche. Elle faisait déjà un peu partie de mon quotidien professionnel, mais les quelques représentations pour lesquelles j’étais employée ne suffisait pas à payer les factures. Alors j’enchaînais les petits boulots ici et là. L’idée de trouver quelques choses de plus fixe ne me déplaisait pas. Présente à l’entretien en fin d’après-midi, j’avais plutôt une bonne impression quant à la suite des évènements. La responsable de l’établissement m’avait précisé qu’elle avait encore deux personnes à recevoir avant de me saluer en m’indiquant qu’elle reviendrait vers moi lorsque sa décision serait prise. Je quittais les lieux, jetant un coup d’œil à mon téléphone avant de me mettre en route. L’écran indiquait un sms non lu, Paige me donnait rendez-vous en ville à la fin de son service. Sans plus de précision, je connaissais suffisamment la demoiselle pour savoir qu’elle ne devait pas être dans son assiette.  « Ok, je serais là. », écrivais-je avec une certaine rapidité avant de ranger mon bien dans le fond de mon sac pour me mettre en route.
Si mes relations avec Paul s’étaient dégradées au cours de ces derniers mois, Paige n’avait pas changer son comportement vis-à-vis de moi. J’ignore si elle savait tout et j’estimais que ce n’était pas à moi de lui en parler. Paul le ferait déjà s’il en ressentait le besoin. Je partais du principe que je n’avais pas à parler à sa place, notamment aux membres de sa famille. Si cette pensée m’avait accompagnée durant un long moment, j’arrivais sur le lieu du rendez-vous en plein cœur de la ville. Devant Paige était là, les bras croisés en observant la foule autour d’elle. Un sourire étirait mes lèvres avant que je ne m’avance vers elle. « Désolée, je suis du genre à apprécier me faire attendre. », lui adressais-je avant de lui ouvrir mes bras pour la saluer. Paige ce n’était pas juste la sœur de mon meilleur ami, ce n’était pas non plus mon amie, c’était un peu comme ma deuxième petite sœur…

Je ne pouvais pas dire que j’étais une grande abonnée des retards, mais je ne pouvais pas non plus certifier que ça ne m’arrivait jamais. Certains se rendraient malade pour quelques minutes, de mon côté j’étais du genre à me dire qu’on était déjà suffisamment stressé sans s’ajouter une charge d’angoisse supplémentaire. Ca m’avait parfois fait défaut, mais je n’avais aucun regret à m’économiser émotionnellement parlant. Mon sourire s’effaçait à sa remarque. Evoquer Paul me faisait toujours un petit pincement au cœur. Mes sourcils se haussaient et mon regard se détachant du sien pour s’abaisser vers le sol. « Ouais. », lançais-je avant de la regarder à nouveau. « Enfin pour supporter sa soupe à la grimace, il faudrait déjà qu’il arrête de m’éviter. », admettais-je une pointe de regret dans la voix. Sans dire que son frère me fuyait comme la peste, je commençais sérieusement à me demander s’il comptait me voir m’adresser à nouveau la parole un jour. Je chassais cette idée de mon esprit avant d’adresser un léger sourire à Paige. « Assez parler de ton frère. Tu as passé une bonne journée ? », demandais-je pour éviter de m’étendre davantage sur le sujet. Après tout, j’étais là pour passer du temps avec Paige et je n’étais pas certaine que m’entendre parler inlassablement de son frère était dans ses plans pour cette virer entre filles. Sans compter que j’appréciais suffisamment Paige pour ne pas oublier qu’elle aussi avait ses propres ennuies à gérer sans avoir besoin de supporter les miens. « Ca te dit de commencer par une gaufre ? Je meurs de faim. », avouais-je en portant ma main sur mon ventre. Avec le stress de l’entretien, je n’avais rien avalé depuis ce matin et ça commençait à être un peu long pour la gourmande que j’étais…

Je haussais les épaules le regard vague. C’était un brin plus facile à dire qu’à faire. Je relevais finalement le regard vers la jolie demoiselle. « Ne t’excuses pas, tu n’y es pour rien. », lui adressais-je avant de sourire à mon tour. C’était la réalité, Paige n’y était pour rien et visiblement, elle n’était pas au courant d’une bonne moitié de toute ces histoires. Je n’allais pas m’en plaindre, j’osais à peine imaginer ce que les autres pourraient penser s’ils avaient toutes les données entre leurs mains. Les esprits les plus tordus auraient surement imaginé des scénarios dignes d’une de ces émissions nocturnes qui vous glacent le sang en vous racontant en détail les crimes les plus marquants de l’histoire. Très peu pour moi. « Je vais essayer. », me contentais-je de rétorquer à sa remarque. Ne pas le prendre personnellement ça faisait des semaines et des semaines que j’essayais, mais ça n’avait rien de simple. Non seulement je me sentais coupable mais j’avais également l’impression que Paul me considérait en partie comme responsable. Je chassais ses idées de ma tête, refusant de me laisser envahir par tout cela pendant mon escapade entre amies. Je changeais rapidement de sujet afin de m’éviter de réfléchir davantage à tout cela. « Vu comme tu as l’air fière, ça m’a tout l’air d’être un exploit. », avouais-je amusée par la remarque de la jeune Bennett. « Alors félicitations ! », ajoutais-je avec un regard malicieux. J’ignorais comment faisait Paige, la restauration n’était vraiment pas un domaine qui me faisait rêver. Même en tant que petit job ici et là, j’avais toujours eu du mal à m’investir dans ce secteur d’activité. Je haussais une nouvelle fois les épaules « Je te dirais ça dans quelques jours, quand je saurais si ma candidature à l’école de danse a été retenue. », rétorquais-je en guise de réponse. La danse c’était toute ma vie et ce boulot de professeur était une occasion de rêve pour moi. Il ne restait qu’à savoir si j’avais été suffisamment convaincante. Ma proposition d’arrêt minute au stand de gaufre un peu plus bas semblait convenir à ma compagne du jour. Un sourire amusée étirait mes lèvres. « Va pour des gaufres au chocolat ! », lançais-je avant d’attraper son bras pour l’entrainer avec moi comme je le faisais souvent avec ma sœur quand nous étions plus jeunes …